Des Français décryptent la réponse immunitaire après une greffe de rein porcin

21 août 2023

Une équipe de chercheurs français vient d’identifier la réponse immunitaire chez l’Homme après la greffe d’un rein de porc. Leur étude, dont les résultats ont été publiés dans The Lancet, a également permis de mettre au point des solutions thérapeutiques afin d’éviter le rejet du greffon porcin. Explications.

Comprendre la réponse immunitaire de l’Homme après la greffe d’un rein de porc génétiquement modifié. Tel était l’objet de l’étude publiée le 18 août 2023, dans la revue The Lancet, menée par les chercheurs d’une équipe de l’Université Paris Cité, de l’Inserm et de l’AP-HP, dirigée par le Professeur Alexandre Loupy à l’Institut de transplantation multi-organes et de médecine régénératrice de Paris (PITOR), en collaboration avec l’Institut NYU Langone Health aux États-Unis. Objectif : décrypter les mécanismes immunitaires pour éviter les rejets de greffons porcins.

Contre la pénurie mondiale d’organes, la xénotransplantation semble une solution prometteuse. Elle consiste à transplanter l’organe d’un donneur d’une espèce biologique différente de celle du receveur. Dans ce domaine, le porc est l’espèce sur laquelle se portent toutes les attentions, alors que les organes humains et porcins présentent de nombreuses similitudes.

Toutefois, le recours aux organes porcins a jusqu’ici été limité du fait d’un phénomène de rejet hyperaigu. En cause notamment, « la présence naturelle dans la circulation sanguine humaine d’anticorps dirigés contre des xénoantigènes présents à la surface des cellules porcines », explique l’AP-HP dans un communiqué du 18 août. Désormais, les biotechnologies sont capables de modifier le génome porcin afin de supprimer les gènes en cause dans le rejet hyperaigu chez l’Homme.

Les biotechnologies au service de la santé

Fin 2021, les premières xénotransplantations de reins de porcs génétiquement modifiés ont été réalisées avec succès aux Etats-Unis, chez des receveurs humains, en état de mort encéphalique, maintenu sous respirateur. Une équipe française, l’équipe de recherche Approches Multidimensionnelles en Transplantation d’Organe dirigée par le Pr Alexandre Loupy, en collaboration avec l’équipe américaine, a eu accès aux biopsies de ces xénogreffes pour les analyser.

« Ce qui pouvait auparavant s’apparenter à de la science-fiction est désormais devenu une réalité grâce aux biotechnologies qui ont permis de prévenir le rejet hyperaigu. Néanmoins, la réponse immunitaire des patients recevant ce type de greffe n’avait pas encore été caractérisée. Cela est pourtant primordial pour augmenter les chances de succès de la xénogreffe. Nous avons donc conçu une étude et réuni un groupe pluridisciplinaire d’experts pour décrypter ces phénomènes complexes de rejet de xénogreffe chez l’humain », indique le Pr Alexandre Loupy, néphrologue à l’hôpital Necker-Enfants malades AP-HP

Son équipe a mis au point une technique spécifique pour étudier les greffons. « Le caractère novateur de notre approche réside dans son caractère multimodal, c’est-à-dire combinant une analyse conjointe de données complexes – histologiques, immunologiques et transcriptomiques – avec des logiciels de bio-ingénierie, pathologie digitale et bio-informatique », note le Dr. Valentin Goutaudier, néphrologue et co-premier auteur de l’article.

Des modèles de porcs et des traitements adaptés

Pour quels résultats ?  Les chercheurs ont pu observer que les patients présentaient des signes précoces d’une forme particulière de rejet, quasi invisibles avec les technologies de microscopie standard. « Nous avons mis en évidence une forme très particulière de rejet, partageant à la fois des caractéristiques moléculaires d’une réponse immune intra-espèce et inter-espèces. La localisation des cellules inflammatoires était également inhabituelle », rapporte le Dr Alessia Giarraputo, chercheuse et co-première auteure de l’étude.

Non traité à temps, ce type de rejet évolue vers la perte du greffon. Mais ces nouvelles données ont permis à l’équipe du professeur Loupy d’« identifier des cibles moléculaires pour optimiser les modèles de porcs génétiquement modifiés et les traitements immunosuppresseurs à administrer aux patients pour limiter le risque de rejet ».

Ces travaux laissent espérer la réussite d’une transplantation d’un rein de porc chez un receveur humain vivant. Ces résultats ont contribué au très récent succès d’une greffe de rein de porc génétiquement modifié chez un receveur humain jusqu’à 32 jours après la transplantation de l’organe. Une première ! La greffe a eu lieu le 14 juillet chez un homme de 57 ans qui avait fait don de son corps à la science, réalisée par l’Institut de transplantation NYU Langone Health. A ce jour, le receveur ne montre aucun signe de rejet et le rein continue de remplir pleinement ses fonctions.

A noter : Au 1er janvier 2023, 10 810 patients étaient inscrits sur la liste d’attente active soit immédiatement éligibles à une greffe d’organe, tous organes confondus.

  • Source : NYU Langone Transplant Institute, AP-HP 18 août 2023, The Lancet 17 août 2023, Agence de la biomédecine

  • Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Vincent Roche

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