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La sclérose en plaques reste mal connue du grand public. Elle évoque souvent, à tort, une vie en fauteuil roulant. Or ce n’est pas le cas pour la majorité des 130 000 personnes concernées en France (5000 nouveaux cas/an).
Cette maladie touche le cerveau, la moelle épinière et les nerfs optiques. Elle appartient au groupe des pathologies auto-immunes : le système immunitaire attaque par erreur la myéline, cette enveloppe qui protège les fibres nerveuses et facilite la conduction de l’influx nerveux. Cette dégradation perturbe la communication entre le cerveau et le reste du corps, d’où des symptômes variés : fatigue, troubles moteurs, sensitifs, cognitifs ou visuels. Une réparation partielle ou complète de la myéline peut parfois survenir, entraînant une amélioration, voire une disparition des symptômes aigus. Dans le cas contraire, les neurones exposés finissent par se détériorer, avec, à terme, un handicap de plus en plus marqué.
La forme récurrente-rémittente (la plus fréquente) de la SEP évolue par poussées suivies de rémissions. La forme progressive entraîne quant à elle une aggravation continue du handicap, avec ou sans poussées.
De nouveaux critères diagnostiques pour la SEP, bientôt publiés, ont été présentés lors du congrès européen ECTRIMS, fin 2024. Ces critères, affinés, concernent principalement l’imagerie par résonance magnétique (IRM), l’un des deux examens de référence avec la ponction lombaire (qui permet de repérer un profil inflammatoire dans le liquide céphalorachidien).
« L’objectif est de pouvoir établir le diagnostic dès la première IRM, donc dès les premiers symptômes, explique la Pre Laure Michel, responsable de l’équipe Sclérose en plaques et maladie de Parkinson (CHU de Rennes) et vice-présidente du comité médico-scientifique de France sclérose en plaques. Ces nouveaux critères devraient permettre un diagnostic plus précoce lorsque la maladie est suspectée. » Car plus le traitement est initié tôt, plus le risque de handicap à moyen et long terme diminue. « Il existe aujourd’hui des traitements de haute efficacité, notamment des anticorps monoclonaux ciblant certaines cellules immunitaires, capables de stopper la formation de nouvelles lésions dans 90 à 95 % des cas. Ces thérapies coûtent cher et ne peuvent être prescrites qu’après confirmation du diagnostic. D’où l’importance de ces nouveaux critères. »
En pratique, deux changements notables : certaines lésions visibles à l’IRM sont désormais reconnues comme spécifiques si elles présentent le “signe de la veine centrale” (petit vaisseau visible au centre de la lésion), ce qui permet de poser le diagnostic même avec un nombre réduit de lésions. Autre nouveauté, les atteintes du nerf optique, jusqu’ici non comptabilisées, sont désormais intégrées aux critères diagnostiques.
Dans la SEP, les traitements très efficaces existent déjà pour les formes rémittentes. Les anticorps anti-CD20, par exemple, sont autorisés depuis 2018 et d’autres ont suivi depuis. Ce sont notamment des immunosuppresseurs ciblant les lymphocytes B, cellules impliquées dans le processus inflammatoire.
L’actualité concerne une autre molécule, le tolébrutinib (inhibiteur sélectif de la tyrosine kinase de Brutron). Il cible les lymphocytes B et une population de cellules immunitaires résidentes du système nerveux central : la microglie. Les résultats d’essais cliniques de phase 3, fin 2024, ont montré une efficacité du tolébrutinib chez des patients atteints de formes progressives de SEP. « Il agit sur un mécanisme bien identifié, détaille la spécialiste : celui des lésions anciennes qui s’étendent lentement dans le temps, sans nouvelle poussée inflammatoire. Elles sont associées à une activation chronique de la microglie et participent à l’aggravation du handicap. L’âge joue aussi, car le cerveau devient moins capable de compenser les cicatrices anciennes. »
Attendu d’ici un à deux ans, ce serait alors le premier traitement destiné aux formes progressives non actives de la maladie.
La question de la réduction, voire de l’arrêt des traitements vers la cinquantaine se pose de plus en plus souvent en pratique. Tout d’abord, « l’immunosénescence (le système immunitaire s’affaiblit naturellement) interroge la poursuite des traitements, expose la Pre Michel. Dans la SEP, à partir de 50 ou 55 ans, les nouvelles lésions ou poussées deviennent rares. La maladie continue certes à progresser, mais par des mécanismes différents, sans nouvelle inflammation active. Les traitements qui visent à prévenir les poussées n’ont donc plus vraiment de raison d’être. »
Ensuite, ces médicaments sont des immunosuppresseurs et leur usage prolongé expose à des effets indésirables, en particulier des infections, parfois sévères. Sans compter leur coût, qui peut atteindre 30 000 euros par an.
Plusieurs essais cliniques sont en cours en France pour éclairer cette question. L’étude STOPISEP s’intéresse à l’arrêt des traitements dans les formes secondairement progressives. Une autre étude, TWINS, débutera en septembre dans les formes rémittentes.
« Aujourd’hui, quand j’instaure un traitement, je précise au patient que ce n’est pas forcément un traitement à vie, complète la neurologue. L’objectif est de stabiliser la maladie, mais la perspective d’un arrêt à moyen ou long terme existe, et c’est un espoir pour les patients ».
Source : Interview de la Prs Laure Michel, neurologue responsable de l'équipe Sclérose en plaque et maladie de Parkinson au CHU de Rennes (CIC1414) (28 mai 2025) ; CP– 18 avril 2025 France Sclérose en Plaques ; Inserm, Base PubMEd
Ecrit par : Hélène Joubert ; Édité par Emmanuel Ducreuzet