Douleur de la vulve : qu’est-ce que la vulvodynie ?
05 janvier 2023
Brûlure chronique intense ressentie au niveau de la vulve, la vulvodynie retentit fortement sur la qualité de vie des femmes. Comment se déclenche ce trouble ? Quelle prise en charge est aujourd’hui proposée ?
Hypersensibilité cutanée externe, la vulvodynie reste peu connue du grand public, « mais également par de nombreux médecins généralistes, des sages-femmes et des gynécologues obstétriciens », décrit Camille Tallet, sage-femme ostéopathe à Lyon. Cette atteinte est pourtant décrite par la science depuis 1986 et officiellement définie par l’International Scientific Society for the Vulvovaginal Disease (ISSVD*) depuis 2015.
Mais de quoi s’agit-il ? « De douleurs localisées au niveau de la vulve sans lésion visible à l’examen clinique », poursuit Camille Tallet. L’inconfort concerne plus particulièrement l’entrée du vagin appelée vestibule, et ce au moindre contact (pénétration sexuelle, introduction d’un tampon, toucher vaginal). Dans certaines formes de vulvodynie, rapportées chez les femmes ménopausées, les douleurs surviennent spontanément sans qu’il n’y ait de contact. Il existe également des formes mixtes caractérisées par une alternance des douleurs de contact et d’autres spontanées. La vulvodynie se traduit aussi par des picotements, des tiraillements et une sécheresse vaginale. A noter que la gêne doit se déclarer pendant plus de 3 mois pour que le diagnostic puisse être posé.
Mycoses, contraception, ménopause
Les patientes sujettes à la vulvodynie éprouvent par ailleurs des envies d’uriner plus fréquentes, des douleurs régulières dans le bas du ventre, des douleurs articulaires et musculaires diffuses. Et sont plus exposées au syndrome du côlon irritable.
Mais quelles sont les origines de la vulvodynie ? Toujours selon Camille Tallet, « des mauvaises pratiques en termes d’hygiène, des maladies inflammatoires sensibilisant la peau et les muqueuses » peuvent déclencher ce trouble, comme le lichen scléreux, les mycoses récidivantes, certaines cicatrices liées à l’accouchement mais aussi « les violences gynécologiques. L’automédication, les produits pourvoyeurs de sécheresse, certains dispositifs de contraception ou produits anti-acnéiques, ou encore la période de la ménopause » constituent aussi des facteurs de risque, souligne Camille Tallet.
Le Q-tip test
Le diagnostic est souvent long à établir : « beaucoup de femmes entendent de la part des médecins que c’est dans leur tête vu que le clinicien ne voit pas d’anomalies visuelles au niveau de la vulve », décrit Camille Tallet.
Il existe pourtant un protocole précis : le Q-tip test va permettre de reproduire la douleur de la femme, « en plaçant un coton-tige sur la vulve, précisément au niveau d’un petit trou situé près des glandes de Bartholin, juste avant l’hymen ». Ces glandes étant connues pour leur pouvoir lubrifiant de la vulve. Et lors de l’interrogatoire, le spécialiste va poser des questions à la patiente sur « son confort vulvaire au quotidien et évaluer un potentiel excès d’hygiène qui pourrait agresser les muqueuses ».
Douche intime, vaseline, toxine botulique…
La vulvodynie a fait l’objet de recommandations publiées en 2018, axées sur la prise en charge de ce trouble. Comment ? En proposant aux femmes :
– Une hygiène intime adaptée en favorisant « les savons au pH physiologique (5,5), en évitant les déodorants vulvaires ou en mettant des protège-slips tous les jours qui absorbent toute la lubrification externe ». Et sous la douche, il est conseillé de « ne pas pratiquer de douche vaginale, on ne nettoie que la surface des grandes lèvres » ;
– Une contraception à base d’oestrogènes est à privilégier, ces hormones étant capables de nourrir les muqueuses ;
– Un traitement de l’hypertonie périnéale et globale grâce à l’injection de toxine botulique, une protéine permettant de paralyser les fibres musculaires. Et le gynécologue ou la sage-femme « propose des séances de relaxation périnéale pour venir détendre les muscles du périnée, en utilisant aussi des dilatateurs vaginaux. On apprend aussi aux femmes à remobiliser leur périnée pour limiter les spasmes réflexes » ;
– Un traitement de la sensibilisation du vestibule : appliquer matin et soir une crème anesthésiante à base de lanoline et de vaseline, substances aux propriétés lubrifiantes capables de diminuer la sensibilité cutanée et l’intensité de la douleur. « Il est aussi possible de l’appliquer à chaque fois que la douleur revient, jusqu’à 6 à 8 fois par jour, et autant de temps que nécessaire jusqu’à ce que la gêne passe », atteste Camille Tallet ;
– Sachant que « la qualité de la vie des patientes se trouve nettement altérée, avec parfois un fort retentissement sur la sphère psychologique et la vie sexuelle », Camille Tallet conseille enfin une approche cognitivo-comportementale comme une psychothérapie ou des séances d’EMDR**.
*Société de prise en charge des douleurs vulvaires
** Eye movement desensitization and reprocessing
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Source : Interview de Camille Tallet, sage-femme ostéopathe à Lyon, le 3 janvier 2022 – Journal of Gynecology Obstetrics and Human Reproduction 48 (2019) 685-688 – CHU de Besançon, février 2022
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Ecrit par : Laura Bourgault - Édité par : Emmanuel Ducreuzet