Encres de tatouage : renforcer la réglementation

06 octobre 2017

Utilisés par de nombreuses cultures dans le monde depuis des siècles, les tatouages éveillent de plus en plus d’engouement en France. Mais l’emploi de nouvelles encres et la pratique de dessins très étendus induisent des risques importants de complications, parfois graves. C’est pourquoi l’Académie nationale de médecine s’en émeut et émet plusieurs recommandations.

« La diffusion de la pratique et la diversité des produits utilisés [dans les tatouages] justifient de nouvelles précautions », estime l’Académie nationale de médecine. Malgré une règlementation mise en place en 2007 pour mieux encadrer cette pratique, ses effets demeurent insuffisants. Et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, « la pratique des tatouages est en forte augmentation : les personnes tatouées sont estimées à 10% en France et 29% aux Etats Unis, soit 25 à 35% de la population des jeunes et adultes de moins de 40 ans ». Mais surtout, « les [dessins] sont parfois très étendus, plus de 50% de la surface corporelle », poursuit l’Académie. Et « de fait la quantité d’encre injectée -1mg d’encre par cm2- est alors très importante ».

Multiples complications

Conséquences, le risque de complications est accru. En effet, l’injection d’encre qui peut migrer est « une source d’infections locales ou systémiques. ». Elles surviennent en raison de la présence de streptocoques et autres staphylocoques, peu après la réalisation du tatouage, ou des années après. Ainsi, à distance du tatouage, « le réveil de germes opportunistes ou commensaux (mycobactéries) de la peau est aussi constaté. Ces conséquences peuvent être extrêmement graves », indique la Docte Assemblée. Et ce d’autant que « les nouvelles encres utilisées aujourd’hui « persistent dans la peau sur une longue période ».

Des manifestations locales « à type de poussées de prurit ou d’œdème sur la zone tatouée, en particulier déclenchées par les expositions solaires » sont également observées. « Les lésions bénignes à type de kératoacanthomes, granulomes, pseudo-lymphomes, sont fréquentes. »

Les encres dégradées

Les encres donc, portent leur part de responsabilité dans les complications observées. En effet, leur nature chimique ou parfois leurs produits de dégradation peuvent se révéler toxiques. Ainsi, « une sensibilisation, complication la plus fréquente particulièrement avec les encres rouges, peut apparaître des années après la réalisation du tatouage, notamment par modification de la structure chimique d’un composé de l’encre sous l’effet des UV ou du laser utilisé pour tenter de faire disparaître le tatouage », précise l’Académie.

Autre élément d’importance, « les colorants organiques se sont multipliés dans les encres de tatouages alors que ces pigments étaient initialement développés pour un usage limité aux laques et plastiques », note-t-elle. Pourtant, « aucune donnée n’est disponible sur leur toxicité après injection intradermique ». Reste que plusieurs études ont montré, par le biais de prélèvements de peau tatouée et de ganglions, la présence de produits nocifs tels que des hydrocarbures aromatiques polycycliques génotoxiques, des conservateurs interdits en usage cosmétiques et des sels de métaux lourds sous forme de nanoparticulaire (titane).

Au vu de ces constats, l’Académie nationale de médecine souhaite notamment :

  • La création d’un carnet des « interventions », où chaque acte devra être noté ainsi que les constituants utilisés (encre, pigment, métaux…) et la mise en place d’une veille épidémiologique de tous les événements indésirables ;
  • Une réglementation de l’usage des encres en France et au plan européen en publiant la liste des substances dont l’utilisation en injection intradermique est sans danger.
  • Source : Académie nationale de médecine, 26 septembre 2017

  • Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Emmanuel Ducreuzet

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