Enfin un médicament contre l’hyperphagie boulimique ?

18 avril 2025

Lorsque l’on traite l'obésité, les solutions pour perdre du poids sont désormais bien connues, à commencer par le rééquilibrage alimentaire et l’activité physique, la chirurgie bariatrique et, depuis peu, les nouveaux traitements pharmacologiques de l’obésité. La prise en charge comprend également un volet psychologique, notamment pour aider les personnes qui souffrent d’un trouble du comportement alimentaire, ce qui est le cas pour un tiers d’entre elles. Avec les nouveaux anti-obésités, dispose-t-on désormais d'un traitement contre l'hyperphagie boulimique ?

Parmi les personnes en situation d’obésité, un tiers présente un trouble du comportement alimentaire (TCA), le plus fréquent étant l’hyperphagie boulimique (Binge Eating Disorder), retrouvé chez 20 % des individus en situation d’obésité. Au-delà de la perte de poids, les compulsions alimentaires sont une réelle préoccupation. Elles sont actuellement prises en charge par des psychologues et des psychiatres, notamment à l’aide des thérapies cognitivo-comportementales et la participation à des groupes de soutien ciblant les TCA. La prise en charge médicamenteuse de l’hyperphagie boulimique reste limitée (antidépresseur fluoxétine).

Mais l’avènement des nouveaux traitements pharmacologiques de l’obésité, qui incluent des analogues du GLP-1 (sémaglutide, tirzépatide, et liraglutide – ce dernier ne sera bientôt plus distribué en France), fait entrevoir un espoir ; le GLP-1 étant une hormone clé de la régulation de la prise alimentaire.

Non seulement ces médicaments (non remboursés à ce jour en France dans l’indication de la perte de poids) permettent une perte de poids parfois importante (environ 10 % du poids corporel, voire plus de 20 %), mais ils semblent aussi agir sur les prises alimentaires non contrôlées, notamment l’hyperphagie boulimique. Quelques études issues du programme de développement de ces molécules l’ont montré, et « le ressenti clinique suggère un effet probable sur les compulsions alimentaires dans le cadre de l’obésité, soulignait le Pr Sébastien Guillaume, psychiatre référent au CHU de Montpellier et spécialisé dans le domaine de l’obésité. Les objectifs visés sont de diminuer la fréquence et l’intensité des crises, de réduire le craving alimentaire (ingestions compulsives, ndlr), de limiter l’envahissement psychique lié au trouble et de rendre les prises alimentaires plus flexibles. » Quelques travaux commencent à être publiés, et l’un d’entre eux, français, vient d’être présenté au congrès de la Société francophone du diabète, qui s’est tenu du 1er au 4 avril, à Paris.

Qu’est-ce que le l’hyperphagie boulimique ?

L’hyperphagie boulimique correspond à des épisodes récurrents de prises alimentaires massives (1 500 à 2 500 kcal en une seule fois), survenant au moins une fois par semaine pendant trois mois, avec une perte de contrôle. Aucun comportement compensatoire n’est associé, comme se faire vomir ensuite, par exemple. La détresse psychologique est fréquente et aujourd’hui la psychothérapie reste le traitement de référence.

Les analogues des récepteurs du GLP-1, comme le Wegovy ® (sémaglutide), aident l’organisme à mieux réagir après un repas en stimulant la production d’insuline. Ils ralentissent aussi la digestion par l’estomac et agissent sur le cerveau pour réduire l’appétit et la sensation de faim.

Des compulsions alimentaires vraiment calmées

Le Centre Spécialisé de l’Obésité (CSO) de Poitiers a étudié l’évolution des habitudes alimentaires et des paramètres nutritionnels chez 58 patients adultes (principalement des femmes, avec un âge moyen de 44,9 ans) souffrant d’obésité sévère et prenant du semaglutide pendant six mois. Les patients bénéficiaient également d’un suivi nutritionnel, psychologique et médical.

Les résultats montrent un effet positif du semaglutide sur la compulsion alimentaire, notamment sur l’hyperphagie boulimique. Le score BES, qui mesure la gravité de ce trouble, a révélé que la proportion de patients présentant une hyperphagie boulimique significative (score > 18) est passée de 31 % à 8 %, tandis que ceux présentant une hyperphagie sévère (score > 27) sont passés de 12 % à 0 %. Après six mois de traitement, aucun patient n’avait de forme sévère d’hyperphagie boulimique.

De plus, le score de faim a diminué de manière significative. Enfin, les bilans alimentaires sur 24 heures ont montré que les patients mangeaient moins, tant en calories qu’en protéines.

Un suivi nutritionnel renforcé

Le Dr Marie Cerdan du Service Endocrinologie-diabétologie-nutrition au CHU de Poitiers, qui a coordonné l’étude, résume : « Nous avons constaté une diminution des comportements alimentaires excessifs et une baisse du score de faim, ce qui montre une meilleure régulation de l’appétit. Cependant, la baisse des apports en protéines observée dans notre étude met en évidence la nécessité de renforcer le suivi nutritionnel pour préserver la masse musculaire et maintenir une bonne fonction métabolique des personnes en situation d’obésité. »

Certains signes laissent espérer que le semaglutide pourrait être remboursé dans certaines situations d’obésité d’ici fin 2025.

L’Association mondiale des troubles alimentaires a récemment publié une prise de position sur l’accès aux traitements pour les personnes en situation d’obésité. Elle conseille aux médecins habilités de ne pas prescrire ces traitements aux personnes « souffrant d’hyperphagie boulimique avec une « surévaluation extrême de la silhouette » ou ayant des antécédents d’anorexie mentale ou de boulimie ». En effet, chez ces patients, ces nouveaux traitements pharmacologiques pourraient, au contraire, aggraver leurs troubles alimentaires.

  • Source : Congrès de la Société francophone du diabète 2025 (Paris) dont session du 3 avril 2025 ; CO 142-143 OBÉSITÉ – NUTRITION Évolution du comportement alimentaire et des paramètres nutritionnels chez les patients présentant une obésité sévère et compliquée, traités par WEGOVY® pendant 6 mois ; propos du Pr Sébastien Guillaume lors de la Journée annuelle Benjamin Delessert (31 janvier 2025, Paris) lors de son intervention « Comment intégrer ces médicaments dans la prise en charge des troubles du comportement alimentaire de l'obésité ? » ; Riccardo Dalle Grave Glucagon-like Peptide 1 Receptor Agonists and Obesity Associated with Eating Disorders. IJEDO 2024;6:15-24.

  • Ecrit par : Hélène Joubert ; Édité par Emmanuel Ducreuzet

Destination Santé
Résumé de la politique de confidentialité

Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous offrir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre quelles sections du site Web vous trouvez les plus intéressantes et utiles.

Plus d'informations sur notre politique de cookies sur nos CGU.

Aller à la barre d’outils