Etats-Unis: des paralysies bien mystérieuses
02 février 2015
©Phovoir
Depuis cet été, 107 enfants ont été touchés par une paralysie flasque. Généralement lié à un virus poliomyélitique, ce syndrome serait ici associé à un entérovirus. Le D68, à l’origine d’une flambée d’infections respiratoires graves Outre-Atlantique, est incriminé par les autorités sanitaires américaines.
Des atteintes motrices d’apparition brutale font partie du tableau clinique décrit chez les enfants touchés de paralysies flasques. Depuis le début du mois d’août 2014, plus de 100 enfants ont été diagnostiqués avec ce syndrome. Habituellement provoqués par une infection de poliovirus, ces cas de paralysies seraient, selon les autorités américaines, provoqués par l’entérovirus D68, déjà à l’origine d’une flambée d’infections respiratoires.
Toutefois, aucune preuve n’a pour le moment validé ce soupçon. « Depuis qu’on a pratiquement éliminé les poliovirus (grâce à la vaccination n.d.l.r), on observe des cas de paralysies flasques avec d’autres virus », explique le Pr Bruno Lina, virologue à Lyon. « Des entérovirus du sérotype 71 notamment, mais aussi le coxsackievirus de type A16. » Rien d’étonnant à ces cas donc ? « Ce qui est surprenant, c’est de mettre en cause l’entérovirus D68 car, en général, celui-ci donne plutôt des infections respiratoires, et pas neurologiques », précise-t-il.
Pas de phénomène semblable en Europe
« Les autorités sanitaires américaines se demandent s’il existe réellement une relation de cause à effet entre l’entérovirus et les paralysies », poursuit-il. Dans le cas de ces enfants, et notamment de 12 d’entres eux inclus dans une étude menée dans le Colorado, « l’entérovirus D68 n’a pas été retrouvé dans le liquide céphalorachidien ». Là où en principe se trouve le virus dans les cas de paralysies dues à la poliomyélite.
Le prélèvement a-t-il été effectué trop tardivement ? « C’est une hypothèse », indique Bruno Lina. Car le virus disparaît dans certains cas au bout de 3 jours. « Mais peut-être aussi que ce virus n’est pas la cause de la paralysie. » Pourtant, selon les auteurs de l’étude, « même si nos découvertes n’ont pas pu prouver que l’entérovirus D68 est la cause des syndromes neurologiques décrits, des facteurs épidémiologiques, virologiques et cliniques suggèrent une association entre le virus et la maladie neurologique ».
En Europe, « nous avons mené une grande étude, sur 7 pays, 15 laboratoires et près de 15 000 prélèvements », indique le Pr Lina. « Nous n’avons observé aucune recrudescence du nombre de cas d’infections respiratoires comme aux Etats-Unis ». Et surtout, « pas de signalement d’un phénomène anormal d’infections neurologiques associées à une paralysie flasque ».
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Source : interview du Pr Bruno Lina, 30 janvier 2015
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Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Vincent Roche