Gardasil: une tempête pour quoi faire?

25 novembre 2013

Nouvelle polémique en France sur la vaccination. ©Phovoir

Attention, sujet brûlant. Une plainte a été déposée vendredi dernier à Bordeaux par une patiente souffrant d’une affection du système nerveux central. Quelques semaines avant la survenue des premiers symptômes, elle a été vaccinée contre certains papillomavirus humain (HPV) par Gardasil®. Soutenue par un cabinet d’avocats, elle accuse le vaccin d’être à l’origine de sa maladie. Les scientifiques plaident en faveur d’une « coïncidence temporelle ». Le point sur une affaire qui rappelle la polémique franco-française sur la vaccination contre l’hépatite B en 1998.

Le Gardasil® est indiqué en prévention du cancer du col de l’utérus dû à certaines infections à papillomavirus humains (HPV) de type 6, 11, 16 et 18. Lesquelles sont responsables de la majorité des cancers du col de l’utérus. Commercialisé en France depuis 2007, il est désormais recommandé chez les jeunes filles de 11 à 14 ans. Jusqu’à l’an passé, il était indiqué à partir de 14 ans.

Les faits. Dans le Journal du Dimanche et le quotidien Sud-Ouest qui révèlent conjointement cette affaire, une jeune bordelaise de 18 ans, Océane Bourguignon, raconte avoir reçu une première dose de Gardasil® le 11 octobre 2010.  Dans les mois qui ont suivi, elle a déclaré une maladie du système nerveux central. Trois ans après, le diagnostic n’est toujours pas posé.  « C’est soit une sclérose en plaques (SEP) soit une encéphalomyélite » précise son avocat, maître Jean-Christophe Coubris. Quant à la plainte, elle vise le laboratoire Sanofi Pasteur MSD et l’Agence nationale de Sécurité sanitaire du Médicament et des Produits de Santé (ANSM). De nouvelles pourraient suivre dans les jours qui viennent.

La jeune femme s’appuie également sur une décision administrative, celle de la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CRCI) de Bordeaux. Celle-ci stipule que “les experts ne peuvent établir l’imputabilité directe du Gardasil à propos duquel ils précisent qu’il n’existe aucun argument scientifique en faveur l’incrimination du Gardasil comme facteur causal pour des pathologies inflammatoires démyélinisantes du système nerveux central.”  La commission ajoute: “par contre, ils estiment que la cascade inflammatoire démyélinisantes post-vaccinale ayant atteint l’intéressée présente tous les caractères objectifs d’imputabilité médico-légale”. Au final, les experts ont évalué “l’imputabilité totale de la vaccination sur le dommage actuel, à 50%”.

De son côté, Sanofi Pasteur MSD « conteste cette conclusion, en contradiction avec les données de la littérature scientifique et les avis des autorités de santé nationales et internationales ». Le laboratoire note en outre que « les conclusions de la CRCI de Bordeaux s’appuient uniquement sur la constatation d’une coïncidence temporelle entre la survenue des symptômes de la maladie et la vaccination ».

Les données scientifiques en effet ne confirment pas cette décision administrative.  A l’échelle mondiale, 136 millions de doses ont été délivrées depuis 2006. « Quelques cas de maladies auto-immunes (démyélinisations aiguës centrales, arthrites et thrombopénies) ont été signalés dans les suites d’une vaccination, sans établir un lien de causalité », soulignent les représentants de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA).

Ils ajoutent : « l’expérience de pays comme l’Australie ayant vacciné leurs jeunes filles avec des couvertures vaccinales de plus de 80% a confirmé l’excellente efficacité (dont un effet indirect bénéficiant aux garçons) et l’excellente tolérance de ces vaccins. Les Australiens ont décidé à la suite de ces résultats de vacciner aussi les garçons. » Par ailleurs, « le suivi de 189 629 femmes vaccinées en Californie entre 2006 et 2008 n’a identifié aucune association entre vaccination Gardasil® et maladie auto-immune »

Pédiatre (CHU de Lyon) et président du Comité technique des Vaccinations (CTV), le Pr Daniel Floret confirme : « en France, des études de pharmacovigilance ont été mises en place dès la commercialisation du vaccin en 2007. Elles montrent qu’il n’y a pas plus de maladies auto-immunes chez les vaccinées que chez les non-vaccinées ».

Des coïncidences ? Dans ces conditions, comment expliquer le cas de la jeune bordelaise ? Le Pr Floret répond : « coïncidence temporelle à une période de la vie où se révèlent les maladies auto-immunes ». Il ajoute : « une étude a montré que si l’on injectait un placebo à 100 000 adolescents, on aurait un cas de SEP, dans les 8 semaines qui suivent la vaccination. Par le simple fait du hasard ».

Il conclut en expliquant que « cette histoire nous rappelle celle de l’hépatite B ». Cette affaire franco-française avait défrayé la chronique à la fin des années 90. Sous la pression de ligues anti-vaccinales qui mettaient en avant des risques de sclérose en plaques, le ministre de la santé d’alors (Bernard Kouchner) avait interrompu une campagne de vaccination contre l’hépatite B. L’incompréhension des médecins et… de l’OMS (qui d’ordinaire ne prend jamais position sur les décisions d’un pays) avaient été d’autant plus forte qu’il a été prouvé ensuite que les risques étaient infondés…

Ecrit par : David Picot – Edité par : Emmanuel Ducreuzet

  • Source : Interview du Pr Daniel Floret, 25 novembre 2013 – Sanofi Pasteur MSD, 24 novembre 2013 - Le Journal du Dimanche, 24 novembre 2013 – Sud-Ouest, 24 novembre 2013- The Pediatric Infectious Disease Journal, 2007 ;26 :979-84 - Suivi national des effets indésirables du vaccin papillomavirus humain Gardasil®. Commission nationale de pharmacovigilance 22 novembre 2011 - [2] Brotherton JML & al. Early effect of the HPV vaccination programme on cervical abnormalities in Victoria, Australia: an ecological study. Lancet 2011; 377: 2085–92 [3] Chao C, J Intern Med 2012;271:193

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