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Le gaslighting est une forme de manipulation mentale par laquelle une personne en amène une autre (ou cherche à en en amener une autre,) à douter d’elle-même et de sa propre réalité. Le terme vient du film Gaslight (1944), dans lequel un mari manipule son épouse, baissant les lumières à gaz de leur maison et niant tout changement de luminosité, à tel point qu’elle en vient à douter de sa santé mentale.
Dans le domaine de la santé, on parle de gaslighting médical ; les professionnels de santé “psychologisent”, minimisent ou nient les symptômes rapportés par le ou la patiente. Or les femmes en sont davantage victimes que les hommes, pour de nombreuses raisons : biais sexistes, stéréotypes de genre, moins bonnes connaissances des corps féminins et de leurs symptômes spécifiques, moins d’études, moins d’essais cliniques… Cela se traduit par des phrases comme « c’est dans la tête », « vous êtes trop stressée », « vous exagérez sans doute », « c’est normal d’avoir mal pendant les règles »… Ces propos nient des symptômes pourtant bien réels décrits par les femmes.
Cette négation des plaintes rapportées par les femmes est parfois consciente. Mais très souvent, elle ne l’est pas. Le phénomène a notamment connu un certain écho médiatique alors que le Covid long touchait davantage de femmes que d’hommes. Deux spécialistes internationaux ont ainsi reconnu dans un article qu’ils cosignaient dans The New England journal of medecine en 2021 la négation des symptômes des patientes : « une partie de ce mépris peut être attribuée au fait que le Covid long a touché les femmes de manière disproportionnée. Notre système médical a une longue tradition de minimisation ou de rejets des symptômes féminins ou de diagnostic erroné de leurs affections comme étant d’ordre psychologique ».
Une étude américaine publiée le 8 mai dernier dans la revue Jama Network Open confirme que cet état de fait perdure. Il concerne cette fois les douleurs vulvo-vaginales. Un volet de l’étude, qui a mis en évidence d’importants déficits de connaissances et des comportements répréhensibles de la part des soignants, portait sur les témoignages des patientes sur le site de la National Vulvodynia Association. Des thèmes communs en ont ensuite été extraits afin de mettre au point un questionnaire à destination des femmes qui consultaient dans une clinique spécialisée dans les troubles vulvo-vaginaux. Celles-ci avaient consulté, en moyenne 5,5 médecins différents pour ces douleurs !
Au total, l’analyse a porté sur 447 patientes, âgées de 41, 7 ans en moyenne. Résultats :
Au total, 1 150 citations ont été analysées qualitativement ; les thèmes communs comprenaient le manque de connaissances du clinicien (247 citations) et les comportements dédaigneux (211 citations).
Autre illustration de ce phénomène, avec cette enquête publiée mardi 27 mai 2025, menée par l’association Agir pour le cœur des femmes auprès de 2 054 femmes. Selon l’étude, « plus d’un tiers des femmes ont connu un manque d’écoute ou une minimisation de leurs symptômes en raison de leur genre. Une proportion qui explose à 60 % pour les femmes de moins de 25 ans ».
Les exemples sont nombreux et entraînent, immanquablement, des conséquences à la fois dans le diagnostic et la prise en charge. Ainsi, on compte des années d’errance médicale avant de se voir diagnostiquée d’une endométriose face à des règles très douloureuses. En 2008, une étude montrait qu’à douleurs égales, aux urgences, les femmes étaient en moyenne 13 à 25 % moins susceptibles de recevoir un analgésique opioïde. Et elles recevaient en moyenne un anti-douleur 16 minutes plus tard que les hommes.
Concernant l’infarctus du myocarde, l’Académie de médecine pointait en 2025 une surmortalité hospitalière chez les femmes (9,6 %) par rapport aux hommes (3,9 %) à cause, notamment, d’un retard de diagnostic chez les premières. Ainsi, une étude danoise révélait en 2019 que les femmes étaient diagnostiquées plus tardivement que les hommes pour 770 maladies, avec un écart moyen de 4 ans. Concernant les cancers, le diagnostic chez les femmes tombait environ deux ans et demi plus tard que chez les hommes. Pour les maladies métaboliques comme le diabète, la durée supplémentaire s’élevait à 4,5 ans.
Source : ScienceDaily, The new England journal of medicine, Jama Network Open, Agir pour le Coeur des femmes
Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet