Infarctus chez les femmes : 4 mesures clés pour lutter contre les inégalités de genre

24 février 2025

Les inégalités dans la prise en charge de l’infarctus du myocarde entraînent une surmortalité chez les femmes. L’Académie de médecine s’en est saisie et a formulé 4 recommandations afin de sensibiliser à la fois les professionnels de santé et la population. Mais aussi améliorer la prévention, le diagnostic et la prise en charge de l’infarctus du myocarde chez les femmes.

Les maladies cardiovasculaires constituent la première cause de mortalité chez les femmes. Dans un rapport publié lundi 24 février, l’Académie nationale de médecine formule 4 recommandations pour mieux prendre en charge, dans ce groupe de population, l’infarctus du myocarde, complication la plus grave de l’athérosclérose et qui nécessite une prise en charge urgente. Car selon des registres nationaux étudiés par l’Académie, les femmes sont victimes d’inégalités dans la prise en charge de l’infarctus, entraînant une surmortalité.

Ainsi, la mortalité hospitalière globale est de 9.6 % chez la femme contre 3.9 % chez l’homme. Les femmes sont en moyenne plus âgées lors de la survenue d’un infarctus, avec plus de facteurs de risques. Mais cela ne suffit pas à expliquer cette surmortalité. L’Académie de médecine pointe le retard de l’appel aux urgences pour les femmes, le retard de diagnostic dans les services d’urgences, l’absence du traitement optimal post-infarctus et de réadaptation cardiaque.

Un retard de prise en charge

L’angioplastie primaire (revascularisation coronaire en urgence) constitue le premier traitement de l’infarctus du myocarde. Mais les registres ont montré que les femmes sont prises en charge 30 minutes après les hommes. Et une fois que la revascularisation a été décidée, là encore, le délai est plus long chez les femmes, entre la prise de décision et la prise en charge.

En outre, les femmes bénéficient moins du traitement optimal post infarctus recommandé par les instances européennes et américaines incluant statines et bétabloquants. Et leur accès à la réadaptation cardiaque est moindre que celui des hommes. Et quand elles y ont accès, celle-ci est encore trop souvent inadaptée aux besoins spécifiques des femmes.

Des causes particulières chez les femmes

Outre des particularités anatomiques qui peuvent rendre l’angioplastie coronaire plus difficile, les femmes présentent des causes particulières d’infarctus. Il s’agit notamment du syndrome de takotsubo : le syndrome du cœur brisé qui se caractérise par une dysfonction temporaire du muscule cardiaque causé par un stress émotionnel aigu. Le traitement consiste en une surveillance en soins intensifs sans avoir recours à une revascularisation car le réseau coronaire n’est pas en cause.

La dissection coronaire spontanée : elle survient lorsqu’un hématome se développe au sein de la paroi des artères, dans une zone appelée la média. On observe alors la séparation de la média ou de l’intima-média qui finit par bloquer le flux sanguin et provoquer un infarctus. Le diagnostic et le traitement de cette condition rare sont plus compliqués.

L’infarctus sans obstruction coronaire, 5 fois plus fréquent chez les femmes, représente jusqu’à 20 % des syndromes coronaires aigues. Seule une imagerie précise permet de le diagnostiquer et d’assurer un traitement adapté.

Des facteurs de risque spécifiquement féminins

Par ailleurs, certains facteurs de risque, que les soignants doivent connaître, sont exclusivement féminins. Parmi eux : l’hypertension gravidique, la pré-éclampsie, le syndrome des ovaires polykistiques ou encore le diabète gestationnel. Outre ces facteurs de risques spécifiques, les femmes sont également plus sensibles aux facteurs de risque classiques tels que le diabète, le tabagisme, l’hypertension artérielle.

Les femmes sont aussi davantage victimes que les hommes de violences physiques, liées à une augmentation significative de maladies cardiovasculaires.

L’Académie de médecine pointe encore des facteurs sociétaux qui impactent la prise en charge des femmes. Celles-ci ont tendance à sous-estimer leurs symptômes et notamment les douleurs thoraciques. Ces douleurs doivent alors être recherchées chez les femmes par un interrogatoire précis par les services d’urgence.

L’idée que l’infarctus est une maladie d’hommes, tant dans la population que chez les soignants, retardent l’appel aux urgences et nuit à la prise en charge de la part des services médicaux.

Les femmes sont enfin aussi largement sous-représentées dans les études cardiovasculaires. « Il est essentiel que les chercheurs et les professionnels de santé reconnaissent l’importance de l’inclusion équilibrée des femmes dans les études cliniques pour garantir une compréhension complète des maladies cardiovasculaires et l’efficacité de la prise en charge médicamenteuses chez les deux sexes. Il est également important de développer une recherche spécifique aux femmes dans le domaine des maladies cardiovasculaires », souligne l’académie, qui à partir de l’analyse de données et d’auditions d’experts, formule ses recommandations.

4 recommandations pour une meilleure prise en charge des femmes

1 – Sensibiliser et former les professionnels de santé notamment des services d’accueil des urgences et du SAMU. Objectif : mieux reconnaître et comprendre les particularités de l’infarctus chez les femmes, en mettant l’accent sur la description différente des symptômes par les femmes et la recherche des facteurs de risque spécifiques.

2 – Élaborer des protocoles de soins qui tiennent compte des particularités anatomiques et des causes spécifiques de l’infarctus chez les femmes, et améliorer les techniques de prise en charge diagnostiques et thérapeutiques. Améliorer l’accès à une rééducation cardiaque mieux adaptée aux femmes.

3 – Lancer des campagnes de sensibilisation du public visant à éduquer les femmes sur les facteurs de risque cardiovasculaire classiques et spécifiques et les symptômes de l’infarctus, et changer la perception de cette maladie comme étant principalement masculine.

4 – Promouvoir la surveillance continue des tendances de l’infarctus chez les femmes, en accordant une attention particulière aux femmes jeunes non ménopausées, et soutenir la recherche visant à mieux comprendre les facteurs émergents de risque cardiovasculaire. Réaliser des études cardiovasculaires dédiées aux femmes dans le domaine diagnostic et thérapeutique.

« Une prise de conscience accrue et une intégration efficace de ces éléments dans les protocoles de soins sont essentielles pour réduire l’inégalité de prise en charge de cette maladie cardiaque, première cause de mortalité chez les femmes », souligne l’Académie de médecine.

  • Source : Académie de médecine

  • Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet

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