Gelures, épuisement, les dangers de la très haute altitude
30 janvier 2018
IHASAKPRACHUM/shutterstock.com
L’alpiniste chevronnée Elisabeth Revol est une miraculée. Elle a survécu à l’ascension et la descente périlleuses du Nanga Parbat, situé à plus de 8 000 mètres d’altitude dans l’Himalaya. Soignée depuis dimanche à l’hôpital d’Islamabad au Pakistan, elle risque l’amputation d’orteils en raison de gelures graves. Elle devrait être rapatriée en France ce mardi. Son coéquipier Tomek Mackiewicz n’a pu être secouru. Le Dr Emmanuel Cauchy, fondateur de l’Ifremmont et médecin spécialiste de la haute montagne fait le point sur les risques de cette escalade de l’extrême.
« Là-haut, on n’a pas le droit à l’erreur », rappelle le Dr Emmanuel Cauchy. Le drame que vit Elisabeth Revol, qui a échappé de peu à la mort et a dû faire le choix déchirant d’abandonner son coéquipier Tomek Mackiewicz à plus de 7 000 mètres dans l’Himalaya, est un cuisant rappel des dangers encourus par ces aventuriers de l’extrême.
Le Dr Cauchy est entré en contact avec l’équipe médicale de l’alpiniste française puis directement avec elle par le biais de la plateforme SOS MAM. « Ce service de conseil médical à distance s’adresse à toute personne adepte de voyage et/ou d’expédition en contrées éloignées dépourvues de structure sanitaire », explique le médecin. Toutefois en matière de sauvetage, ce dispositif a des limites. « Heureusement, le médecin polonais en charge de l’expédition d’Elisabeth Revol avait eu la bonne idée de prévoir le traitement des gelures dans la trousse à pharmacie », se réjouit le Dr Cauchy. C’est grâce à ce médicament que les dégâts causés par les gelures dont souffre l’alpiniste ont pu être contenus. « Car au Pakistan, il est très difficile de se procurer ces traitements », précise-t-il.
Une perfusion pendant 5 heures
« Le seul traitement permettant de limiter les dégâts causés par des gelures graves est l’Iloprost®, un analogue d’une hormone, la prostacycline », explique Emmanuel Cauchy. « Il doit être administré le plus tôt possible pour avoir des chances de sauver les doigts de l’amputation. » Or l’application du protocole n’est pas facile. « Il nécessite une perfusion de 5 heures environ », poursuit-il.
Dans le cas d’Elisabeth Revol, les conditions ne sont pas idéales. Résultat, « elle va perdre des orteils », estime le médecin, « même si les conséquences des gelures ont pu être endiguées par le traitement relativement rapide ». Afin d’accélérer l’administration de la molécule, « certaines équipes en emportent désormais sur les camps de base », indique-t-il. Dès son arrivée en France, Elisabeth Revol recevra « le même traitement pendant 8 jours ».
L’épuisement, une menace mortelle en altitude
Mais qu’est-il arrivé à Tomek Mackiewicz ? Œdème pulmonaire ? Mal des montagnes ? « Il ne s’agit pas d’un œdème », assure Emmanuel Cauchy. Ceux-ci se produisent en réalité au début des ascensions. « Après 3 ou 4 semaines au dessus de 6000 ou 7000 m, on est tout à fait acclimaté ». Même explicationconcernant le mal des montagnes. « Ce dernier se produit dans la phase d’acclimatation. »
En réalité, « d’après la description que nous en avons eue, il s’agit plutôt d’un épuisement », indique le Dr Cauchy. « Il n’avait plus d’oxygène, plus de réserves énergétiques, d’hydratation pour marcher et se réchauffer, ce qui a probablement provoqué l’abandon. » A cette altitude où seulement un tiers de l’oxygène est disponible, « ça ne pardonne pas », conclut le Dr Cauchy. Lequel va prendre en charge l’alpiniste française à son retour dans l’Hexagone.
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Source : interview du Dr Emmanuel Cauchy, 30 janvier 2018
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Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Vincent Roche