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Quand on observe les coureurs du Tour de France s’élancer chaque matin pour 4 à 6 heures d’effort dans la fournaise du mois de juillet, une question vient naturellement : comment leurs organismes tiennent-ils le choc ? La réponse tient en grande partie à ce qu’ils mettent dans leur assiette. Car sur la Grande Boucle, l’alimentation n’est plus seulement une question de « bien manger », mais une véritable science de la précision : qualité, quantité, moment opportun. Rien n’est laissé au hasard.
« Le Tour, c’est 21 étapes, en plein mois de juillet, souvent sous de fortes chaleurs », explique Matthieu Marty, doctorant en physiologie de l’exercice et nutritionniste du sport. « L’organisme doit encaisser l’intensité et la durée, avec des phases d’effort maximal, notamment en montagne ou dans les sprints. » L’enjeu, vous l’aurez compris, est de maintenir ses capacités physiques au top niveau sur trois semaines d’efforts cumulés.
Tout commence plusieurs jours avant chaque étape avec la préparation des réserves énergétiques. « Le cœur du système, ce sont les réserves de glycogène (qui sert au stockage des glucides) musculaire et hépatique, précise l’expert. Les coureurs adoptent alors une alimentation hyperglucidique calibrée, visant la saturation de ces réserves sans pour autant surcharger l’organisme. »
Le repas d’avant-course, ingéré 3 à 4 heures avant le départ, obéit donc à des règles strictes. « C’est un équilibre précis : il faut charger sans surcharger, en privilégiant des glucides faciles à assimiler, avec un confort digestif irréprochable. » Car un problème digestif le jour J peut anéantir des mois de préparation.
Durant la course, les cyclistes doivent ingérer 80 à 120 g de glucides par heure via gels, barres, boissons énergétiques. Pour donner une idée, cela représente l’équivalent de 3 à 4 bananes par heure !
Il s’agit d’apporter une énergie constante tout en respectant les capacités d’absorption de l’intestin : trop, ou mal dosé, et c’est l’inconfort digestif immédiat.
Même lors des phases apparemment plus tranquilles, la vigilance reste de mise. « Y compris à basse intensité, le métabolisme reste sous contrainte », rappelle le nutritionniste. Si le muscle peut puiser dans les graisses, « le glycogène reste essentiel, surtout pour le système nerveux et les phases de très haute intensité. »
Sous le soleil de juillet, l’hydratation devient un enjeu de survie sportive. « La perte hydrique peut atteindre 1 à 2 litres par heure, avec une perte de sodium importante », explique Matthieu Marty. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : « une simple déshydratation de 1 à 2 % du poids corporel peut affecter les fonctions neuromusculaires et réduire la performance. »
La parade ? Un apport ajusté de « 500 ml à 1 litre de boisson par heure, enrichie en électrolytes et glucides. » Une véritable perfusion énergétique qui accompagne les coureurs, kilomètre après kilomètre.
Dès l’arrivée commence une nouvelle course, tout aussi cruciale : celle de la récupération. « Priorité aux glucides rapides et aux protéines pour relancer la synthèse de glycogène et réparer les fibres musculaires », détaille l’expert. Le timing est capital : « plusieurs études montrent à quel point le timing des apports en glucides et protéines, dès l’arrêt d’un effort aussi long, facilite la performance pour les efforts prochains. »
Cette « fenêtre post-effort est primordiale : c’est ce qui permet de ré-enchaîner les étapes jour après jour, sans chute de performance. » Car le lendemain, tout recommence.
Source : Interview de Matthieu Marty, doctorant en physiologie de l'exercice et nutritionniste du sport
Ecrit par : Vincent Roche – Edité par : Emmanuel Ducreuzet