Violences conjugales : des mesures vraiment inédites ?
25 novembre 2019
Kamira/shutterstock.com
Près de 3 mois après son lancement, le Grenelle consacré à la lutte contre les violences conjugales s’est achevé ce matin avec l’annonce ou la confirmation d’une quarantaine de mesures. Parmi elles, l’entrée de l’emprise dans les codes civil et pénal, des dérogations au secret médical et la prise en charge des hommes violents.
C’est entouré de douze de ses ministres que le chef de gouvernement a présenté ces mesures, ce matin. Un certain nombre d’entre elles, comme la réquisition des armes dès la première plainte ou la création de centres de prise en charge pour les hommes violents, avaient déjà été rendues publiques ces derniers jours par la secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa. La plupart sont issues des propositions formulées par les participants au Grenelle : experts, citoyens ou membres d’associations, qui ont planché pendant douze semaines sur les solutions à apporter aux femmes victimes de violences et à leurs enfants.
L’« emprise » reconnue par la loi
Plusieurs mesures de protection des victimes ont été annoncées ou confirmées : le 3919 – numéro d’écoute national destiné aux femmes victimes de violences, sera désormais joignable 24h/24 et 7j/7. Sur le plan juridique, le Premier ministre Edouard Philippe a confirmé que le « suicide forcé » serait reconnu par le code pénal : il constituera « une circonstance aggravante pour les auteurs de violences dans le cas de harcèlement ayant conduit au suicide ou à une tentative de suicide. »
Dans le même esprit, la notion d’emprise conjugale sera inscrite dans les codes civil et pénal. « En le caractérisant dans la loi, on traite ainsi les violences physiques et psychologiques », précise le compte Twitter du Premier ministre. Concernant l’alcool, facteur majeur dans la survenue des violences conjugales, aucune mesure significative n’a semble-t-il été annoncée.
Autre sujet polémique, la levée du secret médical. Edouard Philippe veut « offrir la possibilité aux médecins de déroger au secret médical ». Il souhaite que cela concerne « des cas très encadrés, d’urgence absolue, où il existe un risque sérieux de renouvellement de violence. » Une mesure critiquée par l’un des initiateurs de la tribune qui appelait récemment à un meilleur repérage des victimes par les médecins généralistes. Interrogé par France 24, le médecin généraliste et militant du droit des femmes Serge Lazimi a rappelé que cette possibilité existe déjà dans la pratique.
« Les chiffres des violences ne baisseront pas »
Parmi les autres mesures annoncées ou confirmées : la création de centres de prise en charge des hommes violents (2 par région) pour « suivre psychologiquement l’auteur de violence » et « permettre à la victime de demeurer à son domicile si elle le souhaite ». Dans les gendarmeries et commissariats, « une grille unique d’évaluation du danger sera distribuée dès aujourd’hui », et 80 postes supplémentaires d’intervenants sociaux seront créés. A noter également la mise en œuvre, courant 2020, du bracelet électronique anti-rapprochement, dont le principe vient d’être adopté par le Parlement. Côté Education nationale, une formation sur l’égalité entre les filles et les garçons sera mise en place pour les enseignants. Un document unique de signalement pour les enfants exposés aux violences familiales sera mis à leur disposition.
Le collectif #NousToutes, à l’origine de la marche qui a rassemblé 49 000 personnes ce samedi dans les rues de Paris, a rapidement réagi à ces annonces. Dans un communiqué diffusé via son compte Twitter, le collectif écrit que «la déception est à la hauteur de l’immense attente soulevée ces derniers mois ». Pour les militant.e.s, « de nombreuses mesures annoncées existent déjà. (…) La principale information à retenir, c’est que le Premier ministre a annoncé que la France allait mobiliser 360 millions d’euros contre les violences l’an prochain. C’est quasiment la même somme qu’en 2019. Le gouvernement ne change pas les politiques publiques dédiées à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Les chiffres des violences ne baisseront pas. »
Depuis le 1er janvier 2019, en France, 137 féminicides ont été recensés par le collectif « Féminicides par compagnons ou ex ».
Les féminicides, un fléau mondial
Ces annonces ont été faites en marge de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Selon les Nations Unies, « la violence à l’égard des femmes et des filles constitue l’une des violations des droits humains les plus répandues, les plus persistantes et les plus dévastatrices dans le monde. » Elle comprend, « sans y être limitée », les formes de violences physiques, sexuelles et psychologiques, telles que la violence d’un partenaire intime (coups, violences psychologiques, viol conjugal, féminicide), la violence sexuelle et le harcèlement (viols, actes sexuels forcés, avances sexuelles non désirées, abus sexuels sur enfants, mariage forcé, harcèlement dans la rue, harcèlement criminel, cyber-harcèlement), le trafic d’êtres humains (esclavage, exploitation sexuelle), la mutilation génitale féminine, le mariage précoce.
A noter : D’après les chiffres des Nations Unies, dans le monde, 1 femme sur 3 a subi des violences physiques et/ou sexuelles à un moment donné dans sa vie, le plus souvent de la part d’un partenaire intime.
-
Source : compte Twitter du Premier ministre, #NousToutes, ONU, le lundi 25 novembre 2019
-
Ecrit par : Charlotte David - Edité par : Vincent Roche