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« Le délai pour protéger l’enfant se mesure en jours et non en mois ou années comme chez les fumeurs en dehors de la grossesse », prévient l’Académie nationale de médecine. Un quart des femmes enceintes sont fumeuses lorsqu’elles apprennent leur grossesse. Si la moitié d’entre elles réussit à arrêter de fumer, l’autre moitié parvient seulement à réduire sa consommation. Concrètement, en 2021, 27 % des femmes arrêtaient de fumer dès que la grossesse était connue (contre 30 % en 2017). 18 % parvenaient à arrêter durant la grossesse (20 % en 2017), 51 % diminuaient le tabac durant la grossesse (44 % en 2017) et 4 % continuaient de fumer sans diminution (6 % en 2017).
Mais les risques sont documentés. Selon des chiffres étasuniens, « sur plus de 12 millions de grossesses, le risque d’admission en soins intensifs néonatals est augmenté de 16 % quand les mères fument de 1 à 2 cigarettes par jour pendant la grossesse et de 29 % quand elles fument 20 cigarettes ou plus par jour ». Et même avec une diminution, les risques restent nombreux. Ainsi, une division par dix de la consommation ne réduirait que de moitié les risques pour l’enfant. En effet, fumer moins déclenche le phénomène d’auto-titration soit la mise en place de stratagèmes pour maintenir la nicotinémie (le taux de nicotine dans le sang) au même niveau malgré la diminution du nombre de cigarettes (plus de bouffées, inhalation plus profonde…).
Depuis 2004, pour sensibiliser les femmes enceintes et les aider à arrêter totalement le tabac, la mesure du monoxyde de carbone (CO) expiré est encouragée. Mais, regrette l’Académie nationale de médecine dans un communiqué du 11 mars, cette méthode n’est jamais entrée en pratique courante dans la surveillance de la femme enceinte. Afin d’y remédier, un groupe de travail du Comité économie de la santé assurance maladie (CESAM) de l’Académie nationale de médecine s’est penché sur la question. Cette dernière a publié un rapport le 18 mars pour une mesure systématique du monoxyde de carbone.
La mesure du CO expiré sert à évaluer le monoxyde de carbone présent dans l’organisme à travers la mesure de l’air expiré par le fumeur. Elle renseigne sur le degré d’intoxication du patient. « L’imprégnation du fœtus par le CO est environ deux fois plus élevée que celle de sa mère et l’hypoxie fœtale est donc plus sévère que celle de la mère », note l’Académie de médecine.
En outre, le poids moyen des nouveau-nés est corrélé à la concentration de CO maternel exprimé. Le poids est diminué de 750 grammes en moyenne lorsque le CO de la mère est supérieur à 20 ppm par rapport aux mères qui présentent un niveau inférieur à 6 ppm. Ce déficit pondéral accroît le risque de complications du développement et de morbidité infantile.
La mesure systématique du niveau de CO expiré doit permettre de détecter l’exposition à la fumée de tabac par tabagisme actif ou passif, l’exposition à toute autre substance fumée (cannabis, chicha, pipe à eau…) et d’évaluer de manière objective les risques encourus par le fœtus, en période néonatale et lors de l’allaitement.
Cette mesure systématique peut aussi avoir un effet déclencheur et renforcer la motivation pour arrêter de fumer. La répétition de la mesure – se rendre compte que le niveau de CO diminue en continu – aiderait aussi la femme à ne pas reprendre. Selon une étude, « les nouveau-nés de mères fumeuses qui ont bénéficié de la mesure du CO expiré ont un poids moyen supérieur de près de 300g à celui des enfants de mères fumeuses qui n’en ont pas bénéficié ».
Par conséquent, l’Académie nationale de médecine recommande la mesure systématique du CO expiré pour aider les femmes à ne pas fumer durant la grossesse et l’allaitement. Elle plaide pour la création d’un forfait ou complément pour les professionnels de santé et pour l’évaluation régulière de la pratique et de son efficacité.
Source : Académie de Médecine, Ameli.fr
Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Vincent Roche