HPI sur TF1 : la série est-elle réaliste ?
12 mai 2023
Portée par Audrey Fleurot, la série HPI suit les aventures de Morgane Alvaro - personnage à Haut potentiel intellectuel - recrutée par la police pour ses capacités intellectuelles au-delà de la normale. La saison 3 qui débute sur TF1 est l’occasion de s’intéresser aux réalités et aux mythes inhérents à ce trait intellectuel.
Décrochage scolaire, maladresse exacerbée, souffrance psychologique… Depuis quelques années, le profil de Haut potentiel intellectuel (HPI) prend de l’ampleur… et en idées reçues. La représentation qui en est faite participe bien souvent à la diffusion de fausses croyances.
« Le Haut Potentiel Intellectuel est une forme de surdouance, une intelligence cognitive particulièrement élevée – c’est-à-dire un QI supérieur à 130 », nous explique Luc Martrenchar, psychologue clinicien à Paris et spécialiste de la question. « Mais contrairement à une croyance trop répandue, le Haut Potentiel n’est pas une tare ou un trouble psychique, c’est un don, un talent qui crée un décalage massif avec la plupart des gens. »
« L’impression d’être un extraterrestre »
Comment se manifeste ces décalages ? En fait, certains traits de caractères sont communs aux personnes à Haut potentiel. « Souvent elles ont un sentiment d’être (très) différentes de la plupart des autres, parfois au point d’avoir l’impression d’être un extraterrestre », continue le psychologue. « Elles présentent aussi une pensée (très) rapide, originale et créative. Elles sont parfois considérées par les autres comme étant ‘trop’ : trop émotifs, trop intenses, ils posent trop de questions. Elles ont le sentiment de devoir agir immédiatement, leur curiosité est souvent débordante, elles sont souvent perfectionnistes… ».
Ces traits de caractère peuvent aussi se retrouver dans la population générale. Au point que de nombreux parents se réveillent un matin persuadés que leur progéniture est HPI. Alors non, le Haut potentiel n’est pas forcément synonyme de difficultés scolaires. Et comme le précise Luc Martrenchar, « on ne s’autodiagnostique pas ! Beaucoup de personnes affirment être HPI sans jamais avoir passé de test. Elles me disent : quand on est surdoué, on le sait, on n’a pas besoin de test. Mais le test est primordial. Il faut un bilan psychologique qui inclut au minimum un test de QI officiel : la WAIS (à partir de 16 ans), le WISC (pour les 6-16 ans) ou le WPPSI (pour les jeunes enfants). Cela s’effectue chez un psychologue spécialisé. Quant aux tests sur internet, ils n’ont pas du tout la validité scientifique nécessaire. »
Calculatrice humaine : mythe ou réalité ?
Depuis 2 saisons (la troisième débutant sur TF1), la série HPI met en lumière le quotidien d’une personne à Haut potentiel. En l’occurrence, Morgane Alvaro, dont les capacités l’amènent à être recrutée par la police. Mais ce quotidien est-il réaliste ? « Le trait est TRÈS grossi », confirme le psychologue. « Mais il est intéressant de parler des HPI. Car aujourd’hui encore, la grande majorité des personnes concernées vit sans découvrir leur don… et donc sans pouvoir l’utiliser. Avant la détection, cette différence incomprise peut faire beaucoup souffrir. Mais bien entendu, le côté ‘calculatrice humaine’, le côté ‘Sherlock Holmes’ ou le manque d’humilité qui caractérisent l’héroïne sont en fait plutôt rares chez les HPI. »
Cependant, pour le spécialiste, la série retranscrit « plutôt bien certains aspects. On parle ici de la rapidité de pensée, des capacités de calcul mental très développées, de l’attention minutieuse aux détails, du besoin de résoudre les problèmes et les énigmes, de l’extraordinaire mémoire, de la difficulté à supporter l’autorité si elle n’est pas pleinement juste, du changement fréquent de travail (dû à l’ennui), de la finesse de l’ouïe ou d’un autre sens, d’une certaine originalité, du fait d’être révolté, de la capacité à suivre plusieurs conversations en même temps… Ou bien encore, même si cela est plutôt rare, de la synesthésie, c’est-à-dire de voir des lettres en couleur ou visualiser des sons sous forme d’une courbe dans l’espace. »
Demeure une question : que pensent les personnes HPI de la série ? « Ceux qui m’en ont parlé n’aiment pas du tout », répond le psychologue. Avant d’ajouter que « ceux qui ont apprécié ne m’en ont peut-être tout simplement pas parlé. »
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Source : Interview de Luc Martrenchar, psychologue clinicien à Paris
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Ecrit par : Vincent Roche – Edité par : Emmanuel Ducreuzet