Légalisation de l’IVG: où en est-on 40 ans après ?
26 novembre 2014
En 1974, une Française sur deux avortait au moins une fois au cours de sa vie. 40 ans après, une femme sur trois a déjà eu recours à cette technique. ©Phovoir
Depuis 2006, le nombre d’interruptions volontaires de grossesse (IVG) pratiquées en France est stable. Ainsi 220 000 femmes avortent chaque année. Cet acte médical définitivement légal depuis 1979 est aujourd’hui remboursé à 100% par l’Assurance-maladie. Et pour faire face au choc, les femmes peuvent bénéficier d’un suivi psychologique. Autant de droits acquis grâce au combat mené par Simone Veil.
« Aucune femme ne recourt de gaîté de cœur à l’avortement. C’est toujours un drame, cela restera toujours un drame ». C’est en ces mots que Simone Veil a pris la parole le 26 novembre 1974 pour expliquer à quel point la loi éponyme arrivait comme une évidence dans le respect du droit des femmes.
Voilà donc 40 ans que l’ancienne ministre de la Santé montait à la tribune de l’Assemblée nationale pour présenter à la France entière le texte né d’un combat acharné : la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) pour toutes les femmes ne souhaitant pas avoir d’enfant. « L’avortement doit rester l’exception, l’ultime recours pour des situations sans issue », avait-t-elle précisé pour – dès le départ – prévenir des risques de dérives.
Pour l’émancipation des femmes
A cette époque, 300 000 femmes risquaient leur vie chaque année en interrompant une grossesse non désirée. Sans droit, ni loi, la prise en charge des femmes relevait alors de l’impossible. Beaucoup se faisaient avorter clandestinement. Des médecins engagés et aguerris sur la question se rendaient parfois au domicile des femmes pour les aider à avorter. Dans ces conditions précaires, les chambres non aseptisées, la douleur et le risque d’hémorragie décuplé engageaient le pronostic vital des parturientes. Mais le recours à ces avortements clandestins était la seule alternative pour les femmes qui ne voulaient ou ne pouvaient assumer leur grossesse.
En 40 ans, la situation a bien heureusement évolué. Les établissements de santé et les centres spécialisés dans l’IVG sont plus nombreux par rapport aux années 80-90. La formation des professionnels et les conditions d’hygiène n’ont par ailleurs rien de commun avec les soins prodigués auparavant. En plus du changement de mœurs, l’évolution est aussi technique. Aujourd’hui, deux techniques existent. Avant 7 semaines de grossesse, les femmes peuvent avoir recours à une IVG médicamenteuse. La seconde approche, chirurgicale, peut se pratiquer jusqu’à 12 semaines d’aménorrhée. Réalisé en 15 minutes, ce geste consiste à aspirer l’embryon sous anesthésie locale.
Un acte fréquent, et pourtant…
Pour autant, le bilan de l’accès à l’IVG met aussi en évidence quelques points négatifs. Et pour cause, l’avortement reste tabou. Par honte, beaucoup de femmes concernées préfèrent garder le silence. « J’ai l’impression que nous sommes en train de traverser une grande phase de régression générale », a d’ailleurs évoqué la philosophe engagée pour le droit des femmes, Elizabeth Badinter, au micro de France Inter ce mercredi 26 novembre.
Ainsi, l’accès à l’IVG serait de plus en plus difficile en France. En cause, entre 2004 et aujourd’hui, « 130 établissements spécialisés dans la pratique de l’IVG ont fermé », avançaient récemment les experts du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Conséquence, des délais d’attente très longs pour obtenir un rendez-vous en dépit de l’urgence de la situation. Plusieurs femmes dépassent donc – malgré elles – les 12 semaines d’aménorrhée, stade à partir duquel il est interdit d’avorter dans l’Hexagone. Faute de prise en charge, certaines n’ont d’autres choix que de mener leur grossesse à terme. Et chaque année, entre 3 000 à 5 000 Françaises se rendent à l’étranger pour interrompre leur grossesse. Mais les conditions y sont parfois précaires : le personnel n’est pas toujours spécifiquement formé à la technique de l’avortement. L’acte médical est par ailleurs souvent pratiqué – dans ces pays – au sein d’un environnement non conforme aux normes médicales.
Un parcours semé d’embûches donc. D’autant que le droit fondamental des femmes à l’IVG est remis en question à l’étranger. En Espagne, le gouvernement a souhaité interdire – en décembre 2013 – l’avortement sauf en cas de danger prouvé pour la vie ou la santé de la mère, ou après un viol ayant fait l’objet d’une plainte préalable. Une décision contraire au droit de la femme de « disposer de son corps » sur laquelle le premier ministre espagnol est finalement revenue le 23 septembre 2014.
Si vous souhaitez connaître la répartition des centres IVG en France, toutes les informations sont disponibles sur les sites www.ivgadresses.org et www.sante.gouv.fr/ivg.html.
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Source : Institut National de l’Audiovisuel (INA), 26 novembre 2014 – Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, 26 novembre 2014 – site du ministère en charge de la Santé, consulté le 26 novembre 2014
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Ecrit par : Laura Bourgault – Edité par : Emmanuel Ducreuzet