La consommation précoce de cannabis mène-t-elle au chômage ?

05 janvier 2022

Entre ses promoteurs et ses détracteurs, on lit tout et son contraire sur la consommation de cannabis. Des chercheurs français se sont intéressés aux conséquences de son usage précoce sur l’insertion professionnelle, dans un pays où, en moyenne, on tire sur son premier joint à l’âge de 15 ans.

L’âge de première expérimentation du cannabis est-il un facteur prédictif de futures difficultés d’insertion professionnelle ? Autrement dit : l’âge auquel on a fumé son premier joint joue-t-il un rôle dans le fait de connaître le chômage à l’âge adulte ? C’est la question que se sont posés des chercheurs de l’Inserm et de Sorbonne Université à l’Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique, à la suite d’études ayant montré que la consommation de cannabis n’était pas neutre sur le cerveau des adolescents, et qu’elle affectait leurs résultats scolaires.

Une question d’autant plus sensible que, malgré une politique plus répressive qu’ailleurs, les Français restent les plus gros consommateurs de cannabis en Europe. Selon les dernières données de Santé publique France, 39% des adolescents ont déjà fumé du cannabis à 17 ans et l’âge moyen du premier joint se situe aux alentours de 15 ans.

16 ans, l’âge charnière

Pour tenter d’évaluer un éventuel effet de ce phénomène sur l’insertion professionnelle, les chercheurs ont analysé des données recueillies entre 2009 et 2018 via la cohorte Tempo, un projet de recherche au long cours mené par l’Inserm. Plus de 1 500 personnes (âgés de 22 à 35 ans en 2009) ont été incluses dans l’étude, récemment publiée dans la revue Drug and Alcohol Dependence. S’ils avaient fumé leur premier joint avant 16 ans, les participants étaient considérés comme consommateurs précoces. Après 16 ans, comme tardifs.

Ainsi, après avoir neutralisé des variables telles que la situation familiale ou les difficultés scolaires rencontrées pendant l’enfance et l’adolescence, les chercheurs ont établi une association entre expérimentation précoce du cannabis et difficultés d’insertion professionnelle à l’âge adulte.

Chômage à répétition

Dans le détail, par rapport à ceux qui n’avaient jamais consommé de cannabis, les consommateurs précoces auraient une probabilité deux fois plus importante de vivre une période de chômage à l’âge adulte et trois fois plus importante de connaître plusieurs épisodes de chômage. De leur côté, les consommateurs « tardifs » (après 16 ans) de cannabis auraient 39 % plus de chances de rencontrer une période de chômage à l’âge adulte que les non-consommateurs, et deux fois plus de connaître des épisodes de chômage répétés.

Enfin, en comparant cette fois les consommateurs précoces et tardifs, les chercheurs ont établi que la probabilité de connaître des épisodes de chômage répétés était 92 % plus élevée dans le groupe « précoce ». Face à ces résultats, la directrice de recherche Inserm et dernière auteure de l’étude Maria Melchior considère que la « consommation de cannabis avant l’âge de 16 ans peut donc être considérée comme un marqueur de risque de chômage », et que « reporter le plus tard possible les expérimentations de cannabis devrait être un objectif des politiques publiques ».

  • Source : Drug and Alcohol Dependence, Santé publique France, drogues.gouv.fr, consultés le 5 janvier 2021

  • Ecrit par : Charlotte David - Edité par : Emmanuel Ducreuzet

Aller à la barre d’outils