La greffe utérine, comment faire ?
17 octobre 2014
La transplantation utérine pourrait aussi bénéficier aux femmes en rémission d’un cancer de l’utérus ayant subi une ablation. ©Phovoir.
Née sans utérus, une femme suédoise greffée à l’âge de 36 ans a accouché d’un petit garçon, à la fin du mois de septembre. Une première en Europe. Retour sur ce tournant dans l’histoire de l’obstétrique avec le Dr Olivier Graesslin, chef de service gynécologue-obstétricien au CHU de Reims, et secrétaire général du Collège national des gynécologues et obstétriciens (CNGOF).
En France, 1 femme sur 4 500 serait atteinte du syndrome de Rokitanski-Küster-Hauser. Lequel se traduit par l’absence d’utérus à la naissance. Jusqu’ici, aucune patiente affectée par cette pathologie n’avait réussi à devenir mère. Mais la récente avancée suédoise le prouve : « soigner l’infertilité d’origine utérine à partir de donneuse vivante ne relève pas de l’impossible », souligne le Dr Olivier Graesslin. La greffe d’utérus a permis à cette femme de mener sa grossesse à terme, et de donner naissance à un enfant en bonne santé.
Les étapes de la greffe utérine
Avant la naissance. La maman suédoise, âgée de 36 ans, a reçu l’utérus d’une donneuse vivante ménopausée de 61 ans. Au départ, la greffe a eu du mal à prendre. Quelques symptômes de rejet très légers ont été observés, mais ils n’ont pas empêché la fécondation. Un an s’est écoulé entre la greffe de l’organe et l’implantation de l’embryon. Le Dr Matts Brännström (Université de Gothenburg) a utilisé la technique de la procréation médicale assistée (PMA) ». « Les ovaires de la patiente étaient intacts, le sperme du mari également. L’embryon a donc été conçu in vitro avant d’être implanté dans l’utérus greffé », nous décrit le Dr Graesslin.
A la naissance. L’accouchement a été déclenché par césarienne, après des complications survenues à la 31ème semaine d’aménorrhée. La pré-éclampsie survenue chez la mère a pu être favorisée par plusieurs facteurs : « elle n’avait qu’un seul rein, son âge était relativement avancé pour avoir un enfant, et les traitements antirejets sont connus pour altérer l’immunité ».
Rien cependant ne confirme le lien entre la transplantation et ces complications. « Le risque de pré-éclampsie déclaré chez la jeune mère est très fréquent chez les femmes enceintes », confirme le Dr Olivier Graesslin. D’autant que le petit, né avant-terme mais en pleine forme, respirait et criait normalement dès son premier souffle. Bébé de petite taille, il ne pesait certes que 1,775 kg. Mais ce « poids est tout à fait normal étant donné la prématurité du nourrisson », souligne le Dr Graesslin.
Perspectives d’avenir ?
Plusieurs milliers de Françaises seraient dans l’attente d’une greffe utérine. Mais combien de temps après la ménopause une femme pourrait-elle donner son utérus ? Existe-t-il des contre-indications pour bénéficier d’une greffe ? Quelles relations entre la mère, la donneuse et l’enfant sachant que les femmes pourraient bénéficier d’une greffe issue d’un don de leur proche ? Les transplantations à l’international seront-elles autorisées ? Autant de questions aujourd’hui sans réponse.
« Tous ces points restent à éclaircir. Le cadre de la loi encadrant la transplantation de l’utérus viendra avec le développement de cette technique qui doit encore faire ses preuves à grande échelle », confirme le Dr Graesslin. Sur ce point, six femmes suivies par la même équipe suédoise du Dr Brannstrom devraient bénéficier d’une greffe utérine dans les mois à venir.
-
Source : The Lancet, 4 octobre 2014. Interview du Dr Olivier Graesslin, chef de service gynécologue-obstétricien au CHU de Reims, 9 octobre 2014.
-
Ecrit par : Laura Bourgault – Edité par : Emmanuel Ducreuzet