La nostalgie nous fait-elle du bien ?
24 août 2023
Fragilité psychologique pour les uns, véritable ressource de réconfort voire de résilience pour les autres, la nostalgie nous reconnecte à notre passé, à nos souvenirs. Elle donne de l’énergie et procure des émotions quand parfois nous nous sentons seuls, un peu désemparés ou à un virage de notre vie. Mais à quel moment cette nostalgie peut-elle nous faire plus de mal que de bien ?
Qui n’a jamais plongé des heures durant dans ses albums photos d’enfance ? Réécouter en boucle ses tubes préférés sortis il y a plusieurs décennies ? Bref, quel être humain normalement constitué (et passé par deux ou trois confinements) ne serait jamais isolé un tant soit peu dans ce doux cocon qu’est la nostalgie ? Quels en sont alors les effets ?
Si vous sommes stressés, en manque de sommeil ou peu épanouis dans certains pans de notre vie, la nostalgie va parfois être éprouvée de façon négative. Dans des situations plus apaisées, la nostalgie, parfois accompagnée d’un petit pincement au cœur, peut apporter du réconfort. Un sentiment paradoxal, propre à chacun donc.
Dans tous les cas, le mécanisme est le même : votre cerveau nostalgie va chercher ce qui vous donne de la force, un sens aussi à votre enfance et tous les événements déroulés depuis sur le tapis de votre vie. En vivant votre nostalgie, sans renier ce qu’elle peut supposer de sensible, vous allez à l’encontre de la joie, de la douceur, du manque parfois : ces d’émotions vous mettent en prise avec votre histoire, fort utile dans des moments où l’on se sent un peu seul(e) ou sans repères. Et que l’on a besoin de se réancrer.
Dopamine et régulation des émotions
Comme toute émotion, qui se partage avec les autres d’ailleurs, la nostalgie finira par passer. Elle va d’ailleurs souvent de pair avec des choses que l’on a accepté de son passé. Ainsi, la regarder en face et l’utiliser peut aider à traverser des phases compliquées sur le plan psychologique. Selon les chercheurs japonais Yoshiaki Kikuchi et Madoka Noriuchi, nourrir cette nostalgie permet même de se relever d’un épisode de détresse psychique (dépression) et physique (somatisation). La nostalgie va être capable de « stimuler les mécanismes de résilience ». Cette émotion permet en effet de transférer les pensées négatives en zone de confort, de sécurité. Ce mécanisme a pour effet de diminuer le degré de stress des personnes exposées à ces fragilités psychiques dont l’intensité prend parfois le dessus sur le bien-être, l’humeur, l’énergie et même la personnalité.
Des chercheurs japonais de l’Université de Tokyo ont par ailleurs observé l’impact, par IRM, sur le cerveau du visionnage d’images associées au passé. Résultat, le Pr Kentaro Oba, principal auteur de l’étude, a relevé une activation de la mémoire et du circuit de la récompense impliquée dans la sécrétion de dopamine, l’hormone du plaisir. Selon une autre équipe de scientifiques américains cette fois-ci, de l’Université de Rutgers (New Jersey, Etats-Unis), la zone cérébrale impliquée dans la régulation des émotions était elle-aussi stimulée sous l’effet du sentiment nostalgique.
La nostalgie peut-elle altérer la santé mentale ?
Si vos émotions prennent une autre tournure, qu’elles durent malgré tout, que vous finissez par vous accrocher à votre passé au lieu d’y rester simplement attaché, alors nous ne parlons plus de nostalgie mais de mélancolie. Un véritable état d’esprit sombre, teinté de tristesse et de désespoir. Au fil des semaines, si cette mélancolie perdure, elle peut vous plonger dans une petite phase de déprime voire de dépression. Cette bascule traduit parfois des douleurs passées qui ne passent pas, une incapacité à se concentrer sur le présent voire une peur de se projeter dans l’avenir.
Mais comment la repérer clairement ? La nostalgie ne provoque pas de symptômes particuliers. En revanche, la mélancolie, lorsqu’elle déclenche une dépression, va générer un sentiment d’auto- appréciation intense, un état anxieux marqué, un dégoût pour la vie, une perte de poids ou des problèmes pour s’alimenter, des échanges réduits au minimum, des troubles du sommeil sévères, une perte d’élan vital démesurée, des idées noires .
A noter : si vous présentez des signes de mélancolie accrue et/ou de dépression, n’hésitez pas en parler à votre médecin traitant, un psychologue ou un psychiatre qui saura vous accompagner en psychothérapie, en thérapies comportementales et cognitives, ou vous conseiller des techniques basées sur la libération de la charge émotionnelle comme l’EMDR et l’hypnose.
-
Source : La Clinique e-santé, sites consultés en août 2023 - Y. Kikuchi et M. Noriuchi, The nostalgic brain: Its neural basis and positive emotional role in resilience, Emotional engineering, vol. 5, pp. 43-53, Springer, 2017. K. Oba eta/., Memory and reward systems coproduce "nostalgic" experiences in the brain, Social Cognitive and Affective Neuroscience, vol.ll, pp.1069-1077, 2016. M. E. Speer eta/., Savoring the past: positive memories evoke value representations in the striatum, Neuron, vol. 84, pp. 847-856, 2014.
-
Ecrit par : Laura Bourgault - Édité par : Emmanuel Ducreuzet