La solitude est-elle nécessaire au bien-être ?
27 juin 2023
Souvent mal perçue, la solitude est pourtant l’un des meilleurs moyens de s’écouter et de calmer les émotions fortes. Encore faut-il savoir l’apprivoiser et en faire son alliée. Explications.
De nombreuses études ont montré les risques sur la santé de la solitude. Elle peut augmenter les risques de maladie du cœur, d’AVC et de décès précoce, note la Fondation canadienne des maladies du cœur. La solitude est aussi considérée comme un facteur de risques pour la santé mentale, capable d’entraîner stress, anxiété et dépression.
Toutefois, la solitude n’a-t-elle vraiment que des défauts ? N’est-elle pas nécessaire pour se reconnecter à soi-même ? Pour Johanna Rozenblum, psychologue à Paris, la solitude est un temps pour soi, un temps pour « écouter sa “météo intérieure”, ressentir les émotions qui nous animent. Elle permet aussi d’apaiser ses pensées en ralentissant ».
La solitude, c’est donc s’accorder du temps pour vivre à son rythme, écouter les messages de son corps, entendre ce que disent nos émotions et faire des choix. C’est sans doute à ce moment-là, qu’on pourra prendre les décisions les plus éclairées. Concrètement, qu’est-ce que cela veut dire ? « Lorsque le rythme est effréné et que l’on est entouré toute la journée, il n’est pas simple de s’écouter et de percevoir un malaise, une incohérence, un désaccord. Pris dans le tumulte de nos vies, nous pouvons passer à côté de certains signaux. C’est par exemple ce qui se passe chez les personnes en burn-out. Le temps est passé sans qu’ils parviennent à voir l’épuisement. Il a alors fallu que le corps et l’esprit lâchent pour qu’ils comprennent qu’ils doivent s’accorder du temps et du repos », précise Johanna Rozenblum.
« Une discipline »
Malgré une vie à 100 km/h – famille, boulot, dodo, salle de sport, sorties… – il est pourtant nécessaire de prendre le temps de ralentir, de faire le vide et de s’écouter régulièrement. Afin de ne pas passer à côté de ce qui compte vraiment. « Nos émotions sont mouvantes, les événements de vie s’enchaînent alors prendre du temps régulièrement est une façon de faire le point à mesure que les choses adviennent, affirme la spécialiste. Pour elle, « c’est une discipline ».
Alors comme toute discipline, savoir être seul n’est pas inné, cela s’apprend. La solitude fait souvent peur – et on le comprend au vu de la mauvaise réputation qui lui colle à la peau. Certains ont eu la chance d’en faire l’apprentissage dans l’enfance, d’autres devront apprendre à l’apprivoiser et en tirer profit sur le tard. « Il n’est pas rare de voir des personnes qui ne savent pas vivre seules, qui ne savent pas tirer profit de la solitude. Tout ceci rend dépendant de l’autre et l’on passe plus de temps à trouver comment s’occuper que comment s’écouter », regrette la psychologue. Elle poursuit, « il faut juste pouvoir l’entendre et accepter d’avoir besoin de ce temps pour soi ».
Différencier la solitude de l’isolement
La chercheuse en psychologie Thuy-vy Nguyen, de l’université de Durham, a travaillé sur la solitude une dizaine d’années et lui a consacré un article dans le média en ligne The Conversation. En préambule, elle distingue la solitude de l’isolement, subi au quotidien et qui, effectivement, implique un sentiment de détresse.
La solitude est bien différente. « Beaucoup d’entre nous ont eu des jours où il y a des problèmes au travail, où les choses ne se passent pas comme prévu, ou où nous en prenons trop et nous sentons dépassés. Ce que j’ai découvert, c’est qu’apprendre à prendre un peu de temps pour soi, un moment de solitude, pourrait vous aider à gérer ces sentiments », écrit-elle dans cet article publié en avril 2023.
Pour son travail, elle a isolé des étudiants, sans rien pour s’occuper ou avec un livre ou même un téléphone. Après 15 minutes de solitude, les émotions fortes étaient retombées. « J’en ai conclu que la solitude a la capacité de faire baisser le niveau d’excitation, ce qui signifie qu’elle peut être utile dans des situations où nous nous sentons frustrés, agités ou en colère », explique-t-elle.
Il est nécessaire de changer de paradigme, soit réussir à voir la solitude comme un choix et non pas comme une activité subie. Choisir de se rendre au cinéma seul, au restaurant seul, voyager seul. « Je me suis lancé le défi d’entreprendre certaines de ces activités divertissantes dans mes moments de solitude, et j’ai trouvé l’expérience plutôt libératrice. D’autres femmes vivent des expériences similaires, en particulier lorsqu’elles voyagent, ce qui leur a permis de se sentir autonomes et libérées ». Alors bien sûr voyager seul est peut-être un objectif un peu extrême, mais introduire régulièrement dans son emploi du temps une dose de solitude sera un très bon début.
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Source : Interview de la psychologue Johanna Rozenblum ; The importance of solitude – why time on your own can sometimes be good for you, Thuy-vy Nguyen, The Conversation, 27 avril 2023
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Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Vincent Roche