Le diabète africain, une maladie à part
10 juin 2014
L’utilisation d’huile de palme en grande quantité dans la cuisine favorise le développement du diabète en Afrique subsaharienne. ©Destination Santé
Depuis une vingtaine d’années, le diabète gagne du terrain sur le continent africain. Plus rapidement qu’ailleurs dans le monde. De 1% à 3% de la population il y a seulement 10 ans, son incidence est passée à plus de 10% aujourd’hui. A l’occasion du 4e symposium international sur le diabète en Afrique, organisé à Libreville (Gabon) les 6 et 7 juin 2014, les spécialistes ont évoqué les spécificités du diabète en Afrique subsaharienne. Et notamment l’existence d’une forme atypique de la maladie.
« Le diabète a toujours existé dans nos pays, comme partout dans le monde », rappelle le Pr Saïd Norou Diop, diabétologue à Dakar (Sénégal). « Mais il connaît ici une véritable explosion depuis une dizaine d’années. » Sénégal, Cameroun, Congo Brazzaville, Gabon… Tous ces pays sont concernés par l’augmentation du nombre de cas. Le Gabon est d’ailleurs le 3e pays le plus affecté du sous-continent. « Et cette situation va doubler en 30 ans si rien n’est fait », indique le Dr Eric Bayé, directeur du CHU de Libreville. Urbanisation galopante, sédentarité, surpoids et obésité expliquent en grande partie cette augmentation fulgurante.
Quelque part entre les deux autres diabètes ?
Mais ce qui surprend le plus, c’est l’existence d’une forme qualifiée de « diabète africain ». « Ce dernier démarre de façon brutale, comme un diabète de type 1 », explique le Pr Eugène Sobngwi de Yaoundé (Cameroun). Présentant une carence absolue en insuline, le patient doit impérativement en recevoir en urgence pour survivre. « Mais, ensuite, une fois l’équilibre obtenu, il est possible d’arrêter le traitement et de passer aux médicaments adaptés à un diabète de type 2 ». Parfois, on observe une rémission pendant plusieurs mois. Ce qui ressemble alors au comportement d’un diabète de type 2… « Cette forme touche les populations résidant en Afrique et des membres de la diaspora, en particulier les Afro-américains », précise-t-il.
Pour ce diabète atypique, « il y a peu de données précises, mais dans la littérature on estime entre 5% et 20% la proportion de ces patients parmi les malades diabétiques en Afrique. » Cette forme différente et moins connue représente un frein, parmi d’autres, à la prise en charge des patients dans cette région du monde. « Ils se font soigner à l’hôpital puis arrêtent leur traitement car ils croient être guéris », ajoute le Pr Sobngwi. Ensuite ils se tournent vers un guérisseur traditionnel…
Près de trois quart des malades non diagnostiqués
« L’étiologie spécifique de ce diabète n’est pas expliquée à ce jour », poursuit le Dr Bayé. Ce phénomène pourrait être d’ordre « épigénétique », suggère-t-il. « Ce qui expliquerait que le diabète explose plus ici qu’en Asie, alors que les modes de vie changent aussi là-bas. Mais cela reste une hypothèse. » Toujours est-il que l’augmentation fulgurante du diabète en Afrique est d’autant plus impressionnante que les spécialistes estiment à 70% le nombre de malades qui s’ignorent…
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Source : de notre envoyée spéciale au Symposium international de Libreville sur le Diabète en Afrique, 6 et 7 juin 2014
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Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Emmanuel Ducreuzet