Les données de santé des Français seront-elles un jour publiques ?
28 juin 2013
©Phovoir
Actes médicaux, feuilles de soins, prescriptions… Toutes ces données concernant la santé des Français sont jalousement conservées par la Caisse nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs salariés (CNAMTS). Pas étonnant – et plutôt rassurant a priori – puisqu’il s’agit d’informations personnelles et confidentielles. Pourtant, les signataires d’un manifeste intitulé « Liberté pour les données de santé », rendu public le 24 janvier dernier, réclament leur mise à disposition. Après anonymisation bien sûr. Objectif affiché : prévenir les scandales sanitaires et aider les épidémiologistes dans leurs recherches. La présence, parmi les signataires, de sociétés privées, spécialisées dans le marketing pharmaceutique pose toutefois question.
Une étape supplémentaire dans la bataille pour l’accès aux données de santé semble avoir été franchie ce jeudi 27 juin. La société Celtipharm, spécialisée dans le recueil et le traitement de l’information dans le domaine de la santé ainsi que dans le télémarketing pharmaceutique, a déposé « une plainte pour abus de position dominante sur le marché de la fourniture de données de santé auprès de l’Autorité de la concurrence contre la CNAMTS et le GIE SESAM-Vitale ».
L’entreprise « réclame […] l’accès aux feuilles de soins électroniques provenant des officines, pour mettre en œuvre son projet d’études épidémiologiques ». Son objectif, « détecter en temps réel des anomalies dans la consommation médicamenteuse, comme celles des affaires du Mediator® et de Diane 35® ». Tout ceci, « bien entendu, doit se réaliser dans le respect des données personnelles. Nos études sont strictement anonymes, en aucun cas nous n’accédons et ne pouvons remonter aux données d’identification du patient », assure-t-elle.
Des inquiétudes légitimes ?
Le Collectif interassociatif sur la Santé (CISS) est également signataire du manifeste et membre de l’initiative Transparence Santé. Pour Christian Saout, administrateur du collectif, « la diffusion de ces données permettrait de savoir dans quelle région de France on a prescrit le Médiator. Ou encore, quels médecins prescrivent plus de ritaline qu’ailleurs ». Des questions de santé publique en somme, « sur la qualité et le coût des services. »
A propos de la confidentialité des données de santé publique réclamées dans ce document, « personne ne demande des données nominatives », s’insurge Christian Saout. « L’open data, qui se pratique partout dans le monde, ce sont des données anonymes et qui ne permettent pas l’identification des personnes. »
En tout cas, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a émis une « délibération autorisant la mise en œuvre par la société Celtipharm d’un traitement de données à caractère personnel ayant pour finalité la réalisation d’études épidémiologiques à partir de données issues des feuilles de soins électroniques rendues anonymes à bref délai ».
Une atteinte à la protection des données personnelles… par les pouvoirs publics
Utilisées de façon biaisée, ces informations pourraient-elles permettre à certains laboratoires d’influencer des médecins ? Un utilisateur pourrait-il un jour remonter jusqu’à un individu et à son état de santé, passé ou présent ? D’après Christian Saout, « ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas être vigilant mais il n’est pas normal qu’on n’ait pas accès à des données alors qu’elles existent. D’autant que les pouvoirs publics ne s’en servent pas pour donner les alertes sanitaires… » Et de poursuivre : « d’ailleurs, les pouvoirs publics s’échangent entre eux des données personnelles de santé sur vous et moi, sans que nous le sachions. C’est un scandale et une atteinte à la protection des données personnelles ! »
Ecrit par : Dominique Salomon – Edité par : Marc Gombeaud
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Source : Communiqué de presse de Celtipharm, 27 juin 2013 - interview de Christian Saout, administrateur du CISS, 28 juin 2013 – Autorité de la Concurrence, 28 juin 2013