L’IRM, éternelle laissée-pour-compte des Plans cancer?

23 septembre 2013

Le 30 août dernier, Jean-Paul Vernant, professeur d’hématologie à l’Université Pierre et Marie Curie (Paris) a remis à Marisol Touraine (ministre en charge de la Santé) et à Geneviève Fioraso (en charge de l’Enseignement supérieur et de la Recherche) ses recommandations pour le troisième Plan Cancer (2014-2018). Il insistait notamment sur le faible niveau d’équipement de la France en Imageries pas résonance magnétique (IRM). Conséquences, les délais d’attente – toujours trop longs – sont préjudiciables pour les Français. A quel point ? Eléments de réponse.

Dans son rapport sur le 3e Plan Cancer, le Pr Vernant met l’accent sur les inégalités face au cancer. Avec en point de mire, l’accès à l’imagerie médicale, pour lequel la France accuse un retard conséquent sur ses voisins européens. Or « cet accès est essentiel pour le dépistage, le diagnostic, le bilan d’extension, le traitement et la surveillance de nombreux cancers » explique-t-il. « Le rapport Grünfeld (équivalent du rapport Vernant pour la période 2009-2013 – ndlr) proposait que la France rattrape son retard, en termes d’équipements en IRM entre 2008 et 2013 alors que l’on comptait 7,5 IRM / million d’habitants en France contre 13,5 en Europe de l’Ouest et 23,3 en Allemagne. »

Le plan Cancer 2 définissait ainsi comme objectif 10 IRM/million d’habitants en 2011. Un objectif à peine atteint… mais en 2013. Quant au délai d’attente (voir carte ci-contre), il n’est guère plus satisfaisant. « Le délai moyen d’accès à un examen d’IRM pour les cancers du sein, de l’utérus et de la prostate s’établissait en 2011 à 27,4 jours d’après l’enquête menée par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), l’INCa et la Société Française de Radiologie », déplore le Pr Vernant. « Ce délai apparaît largement excessif. Certaines régions (Centre, Auvergne, Basse Normandie) sont dans ce domaine plus particulièrement défavorisées. »

Une réelle perte de chances pour les patients

Trente jours d’attente, est-ce-que cela change vraiment la donne ? Si cette question peut sembler provocante, elle renvoie à la réalité des patients dont la maladie évolue souvent à bas bruits. « Il ne faut pas oublier qu’on parle du cancer » insiste le Dr Caroline Caramella, radiologue à l’Institut Gustave Roussy de Villejuif. « Trente jours, ça change beaucoup de choses, à commencer par une attente psychologiquement insupportable ! Sans compter que l’IRM n’est pas le seul examen. Il s’inscrit dans un bilan exhaustif. Retarder l’IRM, c’est repousser tout le reste. Et donc le traitement, car c’est l’imagerie qui nous dira si la tumeur est localisée ou généralisée. Un accès facilité rend la prise en charge plus fluide, plus simple. Le contraire, est synonyme de perte de chance pour le patient ! »

Autre motif d’inquiétude, la spécialiste nous apprend que l’Institut Gustave Roussy, pourtant premier centre de lutte contre le cancer en Europe ne ne dispose que d’un seul appareil. Illustration, si besoin était, du malaise français.

Alors, quelles solutions ?

Pour l’auteur du rapport, les recommandations suivent deux grands axes :

  • Obtenir des rendez-vous d’IRM pour diagnostic et suivi thérapeutique des cancers le plus rapidement possible et dans tous les cas dans les 14 jours suivant la prescription de l’examen sur l’ensemble du territoire. Si cet objectif n’est pas atteint d’ici 2015, augmenter rapidement le parc d’IRM installées en conséquence ;
  • Avoir comme objectif d’ici 2018 de disposer de 20 IRM par million d’habitants, en prévoyant le personnel médical et non médical nécessaire à leur fonctionnement.

Les radiologues satisfaits mais…

Pour la Société française de Radiologie, le Pr Vernant a parfaitement saisi « les enjeux liés à l’imagerie. Si les objectifs sont atteints, ce sera la plus grande avancée des 10 dernières années. Même si les professionnels de santé s’inquiètent de ces prévisions toujours insuffisantes pour se rapprocher des bonnes pratiques et s’aligner sur les standards européens. Ce taux de 20 machines/million d’habitants est déjà celui de 2012 observé en Europe. » D’où leur interrogation, « comment peut-on imaginer que les patients de notre pays doivent attendre encore 6 ans de plus? »

Ecrit par : Vincent Roche – Edité par : Emmanuel Ducreuzet

  • Source : Pr Jean-Paul Vernant - Recommandations pour le troisième Plan Cancer – Rapport à la ministre des Affaires sociales et de la Santé et à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Juillet 2013 - Société française de Radiologie, 4 septembre 2013

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