Maladie de Charcot : 5 cas intriguent dans un village de la Somme

22 janvier 2024

Depuis 2009, cinq personnes sont mortes de la maladie de Charcot dans le village de Saint-Vaast-en-Chaussée (Somme). Une situation qui inquiète les habitants, Santé publique France a été saisie.

La sclérose latérale amyotrophique (SLA), plus connue sous le nom de maladie de Charcot, concerne 8 000 patients en France, selon l’Association pour la recherche sur la SLA. Son incidence annuelle s’élève à 2,7 cas pour 100 000 habitants. Il s’agit d’une pathologie neurodégénérative rare qui se caractérise par la destruction des neurones responsables de la motricité, les motoneurones.

Dans la Somme, le village de Saint-Vaast-en-Chaussée s’interroge après les décès de 5 personnes, depuis 2009, de la maladie de Charcot. Résidents de la même commune ces personnes vivaient aussi toutes dans la même rue.

Le Maire de la commune a contacté l’Agence régionale de Santé des Hauts-de-France pour l’alerter. « Cinq cas d’habitants, vivant dans la même rue ou dans une rue perpendiculaire pour l’un d’entre eux, ayant contractés la maladie entre 2007 et 2022 ont ainsi été confirmés », note auprès de Destination Santé l’ARS, qui poursuit : « l’étude du signalement a permis à l’ARS de confirmer un nombre élevé de cas de SLA dans cette commune ».

Santé publique France  a été saisie afin de déterminer s’il existe un cluster de la maladie de Charcot à Saint-Vaast-en-Chaussée. « Les objectifs épidémiologiques de la réponse à une suspicion de cluster sont de déterminer s’il existe effectivement un excès statistique de maladies dans la population observée et de déterminer s’il existe une ou plusieurs causes locales à ce regroupement de cas, autres que le hasard, sur la ou lesquelles il est possible d’agir », détaille l’agence nationale de santé publique. « A ce stade, les investigations sont en cours. Elles ont tout d’abord pour objectif de documenter finement les cas. Cette documentation est une première étape indispensable à l’investigation du cluster. »

Le précédent de Montchavin, en Savoie

« Ce n’est pas exceptionnel en soi mais il s’agit toutefois d’un foyer de haute incidence », note pour Destination Santé, Timothée Lenglet, neurologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. « Avoir plusieurs cas sur une zone géographique circonscrite, on a déjà vu ça. Dans une même rue, dans un même immeuble, voire deux cas au sein d’un couple. On attribue souvent cela au hasard mais on sait qu’il peut y avoir des facteurs environnementaux susceptibles d’influencer le risque de développer une maladie de type SLA. Et c’est pourquoi il est important de se préoccuper de ce type de situation car des investigations pourront mettre en lumière des facteurs qu’on ne connaît pas encore ».

Le spécialiste rappelle qu’en 2021, un nombre anormalement élevé de victimes de la maladie de Charcot – 14 cas pour 900 habitants en 22 ans – avait été observé en Savoie, dans le village de Montchavin. Une étude épidémiologie, dont les résultats ont été publiés dans le Journal of neurological Sciences avait montré que la consommation d’un champignon, le gyromitre géant, était responsable du cluster.

Des causes multifactorielles

Selon l’Inserm, aucun facteur environnemental n’a été formellement mis en évidence. Toutefois, « le tabac, le sport de haut niveau, l’exposition à des pesticides, des métaux lourds ou encore à une toxine présente dans certaines algues (la cyanotoxine BMAA) sont suspectés ». Une mutation génétique serait aussi en cause, soit « la mutation aléatoire (et non transmise) d’un gène causal ou d’un ou plusieurs gènes de susceptibilité (qui augmenteraient le risque de survenue de la maladie) ».

« Ces facteurs environnementaux augmentent le risque de développer une maladie neurologique, associés à un facteur de susceptibilité personnelle, complète le Dr. Lenglet. Et on ne sait pas bien établir la part de ces facteurs environnementaux sur la survenue de la maladie par rapport à un facteur inné ».  

Une prise en charge symptomatique

La maladie survient généralement entre 50 et 70 ans. La SLA est une pathologie progressive qui mène au décès dans les 3 à 5 ans qui suivent les premiers signes. C’est le plus souvent l’atteinte des muscles respiratoires qui conduisent à la mort du patient. Elle peut d’abord se manifester par des difficultés à articuler ou à déglutir, dans 30 % des cas. Sinon, la maladie peut débuter « par une faiblesse et une gêne au niveau d’un bras, d’une jambe ou d’une main que se manifeste le début de la maladie ».

Puis, la maladie progresse avec :

  • Des contractures, des raideurs des muscles et des articulations ;
  • une fonte musculaire et des troubles de la coordination gênent la marche, la préhension des objets et des difficultés à déglutir ou à articuler
  • à un stade avancé de la maladie, les muscles respiratoires ne parviennent plus à remplir leur fonction.

Il n’existe à ce jour pas de traitements curatifs de la maladie de Charcot. La prise en charge est symptomatique et pluridisciplinaire : « aide technique, kinésithérapie et médicaments antispastiques pour contrer les troubles moteurs, myorelaxants et antalgiques contre les douleurs, prise en charge de la dénutrition, orthophonie pour les troubles de la parole et de la déglutition, accompagnement psychologique… », énumère l’Inserm.

A noter : la SLA est aussi familiale dans un cas sur 10.

  • Source : Inserm – Santé publique France – Interview de Timothée Lenglet, neurologue

  • Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet

Aller à la barre d’outils