Massage cardiaque féminin : la peur de toucher des seins coûte des vies

21 octobre 2024

Une enquête de l’association spécialisée en santé St John Ambulance pointe la perte de chances des femmes par rapport aux hommes en cas d’arrêt cardiaque. En effet, les personnes interrogées, surtout les hommes, confirment qu’elles craignent d’être accusées d’avoir eu des gestes inappropriés envers une femme en cas de massage cardiaque en public.

La crainte de toucher les seins des femmes peut tuer. St John Ambulance, une association caritative britannique, a dévoilé mercredi 16 octobre une étude qui montre que près d’un tiers des Britanniques n’ose pas pratiquer de massage cardiaque sur une femme. En cause ? La peur de lui toucher les seins ! Et 33 % des hommes britanniques craignent, s’ils réalisaient ce massage, d’être ensuite accusés de toucher de manière inappropriée une femme en public. Elles étaient 13 % chez les femmes.

En outre, 46 % des hommes estiment qu’ils se sentiraient moins à l’aise d’utiliser un défibrillateur sur une femme que sur un homme. Pourquoi ? Ils devraient lui retirer ses vêtements et notamment son soutien-gorge. Pourtant le recours à un défibrillateur – dont les électrodes doivent être placées sur la peau nue – dans les trois premières minutes peut augmenter jusqu’à 70 % les chances de survie de la victime.

« Chacun mérite les meilleures chances de survie possibles »

Homme ou femme, 23 % des personnes interrogées ont admis qu’elles seraient moins susceptibles de pratiquer une réanimation cardiopulmonaire en public sur une femme que sur un homme, soit une grande perte de chance pour les femmes par rapport aux hommes. Jordan Davison, responsable au sein de l’association, n’est pas surpris par ces résultats : « ces préoccupations sont fréquemment soulevées lors de nos formations ». Pourtant, « il est toujours préférable de faire quelque chose que de ne rien faire dans ces circonstances. Quel que soit le sexe, en matière de réanimation cardio-pulmonaire, chaque corps est le même, la technique est la même et chacun mérite les meilleures chances de survie possibles ».

Une étude canadienne, présentée en 2023 au Congrès européen de médecine d’urgence, confirmait cette perte de chance pour les femmes. Les chercheurs ont dépouillé les dossiers d’arrêts cardiaques survenus hors des hôpitaux au Canada et aux Etats-Unis entre 2005 et 2015, portant sur un total de 39 391 patients. Ils ont examiné si la victime avait bénéficié ou non d’un massage cardiaque, prenant en compte l’âge et le sexe du patient. Ils ont constaté qu’environ la moitié des patients avaient bénéficié d’un massage cardiaque par un témoin (54 %).

Une formation aux gestes de premiers secours pour en finir avec les inégalités

Dans l’ensemble, les femmes étaient légèrement moins susceptibles de bénéficier d’un massage (52 % des femmes contre 55 % des hommes). Cependant, lorsque les chercheurs se sont penchés uniquement sur les arrêts cardiaques survenus dans un lieu public, comme la rue, la différence était bien plus importante ; 61 % des femmes avaient bénéficié d’une réanimation cardiopulmonaire contre 68 % des hommes, et ce tous âges confondus.

 

Pour marquer les esprits, St John Ambulance a lancé une campagne de sensibilisation, et un soutien-gorge éducatif, le soutien-gorge de massage cardiaque. Sur l’avant du sous-vêtement figure le message suivant (écrit en anglais) : « c’est ok pour que tu sauves ma vie » ainsi que les règles à appliquer en cas d’arrêt cardiaque. Être formé aux gestes de premiers secours pourrait aussi permettre de faire disparaître ces pertes de chance liées au genre.

  • Source : St John Ambulance, European Society for Emergency Medicine

  • Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet

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