« Médicaments essentiels » : le gouvernement critiqué
26 juin 2023
Moins de deux semaines après qu’elle a été rendue publique, la liste des 450 médicaments dits « essentiels » par le gouvernement est toujours loin de faire l’unanimité. A l’instar de plusieurs sociétés savantes, la Revue Prescrire critique une liste « non argumentée » et établie « sans méthode rigoureuse ».
« Relocaliser en France la production des médicaments essentiels » : née pendant la crise sanitaire, l’idée de redonner à la France une souveraineté sanitaire en relançant la production de produits de santé « pour remédier aux pénuries de médicaments importés », est devenue concrète il y a une quinzaine de jours.
C’est en effet le 13 juin dernier que le président de la République, Emmanuel Macron, et le ministre de la Santé, François Braun, ont annoncé que « huit grands projets de relocalisation seront lancés dans les semaines à venir, pour un investissement total de plus de 160 millions d’euros, soutenu par l’État ». Ils ont en outre présenté une liste de 450 « médicaments essentiels » dont le gouvernement s’engage à assurer la disponibilité. Une liste établie par « les sociétés savantes et le ministère de la Santé et de la Prévention », indique le ministère.
Des choix « discutables »
Si l’intention est saluée – les ruptures de stock récurrentes sont antérieures à la crise sanitaire – le choix des médicaments est loin de faire l’unanimité. Des sociétés savantes non consultées, comme la Société française de pharmacologie et de thérapeutique, ont rapidement fait savoir qu’elles s’interrogeaient sur le « rationnel médical et scientifique à la base du processus de sélection dans la mesure où de nombreux médicaments essentiels n’y figurent pas et que le choix de certains médicaments apparaît fortement discutable ».
La Société française de rhumatologie, elle, constate que « la liste fournie ne comporte aucune thérapeutique ciblée des rhumatismes inflammatoires (en dehors du rituximab), aucun AINS (Anti Inflammatoires Non Stéroïdiens), aucun traitement anti‐ostéoporotique et aucun corticoïde injectable ». Et ce lundi, c’est la revue médicale indépendante Prescrire qui tire à boulets rouges sur une liste « non argumentée » et « établie sans méthode rigoureuse ».
Aucune contraception
Ses rédacteurs pointent ainsi la présence dans la liste de « nombreux médicaments d’un même groupe pharmacothérapeutique, aux effets très proches, sans aucune priorisation, ce qui conduirait à maintenir des stocks redondants pour une même situation clinique » : ainsi, « quasiment tous les inhibiteurs de la pompe à protons commercialisés, statines, hypotenseurs, bêtabloquants, antidépresseurs, neuroleptiques, benzodiazépines et substances apparentées, et divers médicaments utilisés dans la maladie de Parkinson » figurent dans liste.
A l’inverse, ils s’étonnent de ne pas y trouver « certains médicaments de premier choix dans des affections courantes ». Comme les « anti-inflammatoires non-stéroïdiens, tels que l’ibuprofène (Advil° ou autre) et le naproxène (Apranax° ou autre), utilisés notamment dans diverses situations douloureuses », « la plupart des médicaments inhalés utilisés dans l’asthme ou la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) », « des antiviraux utilisés dans l’infection par le HIV et dans l’hépatite B ou C » ou encore « l’ensemble des médicaments utilisés dans les troubles cutanés courants ». Autre oubliée : la contraception. La liste ne comprend aucun médicament utilisé dans la contraception en dehors d’un contexte d’urgence.
La publication s’étonne enfin de la présence de médicaments qu’elle juge inutiles voire dangereux, en raison d’une balance bénéfices-risques défavorable. Elle a en outre en relevé « diverses coquilles, erreurs de codification dans la classification anatomique, thérapeutique et chimique (ATC) ou de libellé ». Tous ces éléments traduisent, selon la Revue Prescrire, « un réel manque de rigueur », voire « un certain amateurisme dans un domaine où l’exigence de qualité s’impose, dans l’intérêt premier des patients ». Elle appelle donc, à son tour, le ministère de la Santé à revoir sa copie. Lors de la publication de la liste, celui-ci avait pris soin de préciser que celle-ci était « évolutive ».
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Source : Ministère de la Santé - Société française de pharmacologie et de thérapeutique - Société française de rhumatologie – Revue Prescrire - Juin 2023
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Ecrit par : Charlotte David - Edité par : Vincent Roche