Mélatonine : ce n’est pas pour les enfants
09 février 2023
Dans son édition du mois de février, la revue indépendante Prescrire relaie des chiffres alarmants : ceux des centres antipoison des Etats-Unis, qui ont recensé de nombreux cas d’intoxications à la mélatonine chez des enfants et adolescents. En dix ans, ces cas ont été multipliés par six.
Plus de 260 000 cas d’ingestion de mélatonine, intentionnelle ou accidentelle. C’est le bilan dressé par les centres antipoison américains, pour une période allant de 2012 à 2021, et ne concernant que des enfants et des adolescents de moins de 19 ans. Des chiffres suffisamment inquiétants pour que la revue Prescrire, qui alerte régulièrement sur les effets indésirables de la mélatonine, choisisse de s’en faire l’écho dans son édition de février.
Mais qu’est-ce que la mélatonine ? Dans sa version naturelle, elle est parfaitement inoffensive : il s’agit en fait d’une hormone sécrétée durant la nuit, essentielle pour notre sommeil car elle régule notre horloge biologique et informe notre organisme de l’alternance entre le jour et la nuit. C’est dans sa version synthétique qu’elle peut s’avérer à risque.
Pourquoi est-elle potentiellement dangereuse ? Cette version synthétique se retrouve dans de nombreux compléments alimentaires supposés favoriser l’endormissement ou réduire les effets du décalage horaire. Accidentelle dans 95% des 260 000 cas signalés aux centres antipoison américains entre 2012 et 2021, l’ingestion de mélatonine synthétique a provoqué des symptômes, « surtout digestifs, cardiovasculaires et neuropsychiques » chez 17% des enfants signalés. Environ 5 000 d’entre eux ont dû être hospitalisés dans des états considérés comme graves et deux enfants de moins de deux ans sont décédés à l’hôpital. Environ huit signalements sur dix concernaient des enfants de moins de cinq ans.
Et en France ? La mélatonine synthétique est surveillée de près, et depuis longtemps, par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) et l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). A elles deux, les agences ont recensé pas moins de 300 effets indésirables, comprenant douleurs abdominales, éruptions cutanées, vomissements, céphalées, irritabilité… Voilà pourquoi, en 2018, l’Anses a plaidé pour une meilleure information des consommateurs, et recommandé à de nombreuses catégories de population de ne pas consommer de mélatonine : les femmes enceintes et allaitantes, les personnes souffrant de maladie inflammatoires, auto-immunes, d’épilepsie, d’asthme, et les enfants et adolescents.
Ces recommandations sont-elles respectées ? La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) s’est récemment intéressée au sujet, face à l’explosion du nombre de compléments alimentaires ou médicaments en vente libre et contenant de la mélatonine : 700 nouvelles références entre 2019 et 2021 ! Si, dans l’ensemble, la teneur annoncée sur l’étiquette est cohérente avec la teneur réelle, l’information au consommateur potentiellement à risque est insuffisante, voire contradictoire « avec les recommandations de l’Anses. C’est le cas, par exemple, des compléments alimentaires dont l’étiquette indique qu’ils peuvent être consommés par les enfants ». La DGCCRF a émis plusieurs avertissements à l’intention des fabricants.
A savoir : Pour la mélatonine comme pour tous les compléments alimentaires, renseignez-vous auprès de votre médecin afin de savoir si vous faites partie des personnes à risque. Et tenez les produits contenant de la mélatonine hors de portée des enfants.