Les opioïdes… chefs d’orchestre du plaisir
20 février 2017
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Sécrétés lors des rapports sexuels ou d’une consommation d’aliments savoureux, les opioïdes sont les parfaits marqueurs cérébraux du plaisir ! Et selon des chercheurs canadiens, l’écoute de la musique déclenche aussi la synthèse de ces molécules. Les précisions du Pr Mathias Pessiglione, chercheur à l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (ICM) au sein du service Motivation, Brain & Behavior lab (MBB).
Jusqu’ici, seules les zones d’activité cérébrale des émotions positives activées par la musique étaient connues par la science. Mais des chercheurs de l’Université McGill sont allés plus loin en découvrant les cellules responsables de cette élévation de bonnes vibrations en écoutant un morceau. Soient les opioïdes cérébraux, impliqués dans le plaisir sexuel, la consommation récréative de drogues ou de nourriture.
Les opioïdes, vitaux pour le plaisir
Pour le prouver, l’équipe canadienne a bloqué chez 17 volontaires la sécrétion des opioïdes cérébraux. Une technique effectuée de « façon sélective et temporaire à l’aide de la naltrexone, un médicament prescrit contre les troubles de la toxicomanie », souligne le Pr Daniel Levitin, psychologue cognitiviste à l’Université McGill. Dans un second temps, la réaction des participants à l’écoute de la musique a été mesurée. Résultat, « même leur chanson préférée ne déclenchait plus aucune sensation de plaisir ».
L’intensité est-elle la même que celle éprouvée lors d’expériences sexuelles ou de prises de drogue ? « Ce paramètre n’a pas été enregistré », précise le Pr Adiel Mallik, principal auteur de l’étude. « Mais de récentes études prouvent que la sécrétion d’ocytocine, hormone de l’amour et du lien social est moindre lors de l’écoute d’une chanson comparé à l’activité sexuelle. »
Selon le le Pr Mathias Pessiglione, chercheur à l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (ICM), il est parfaitement impossible de mesurer et de comparer le degré de plaisir en fonction de son origine tant cette donnée relève du subjectif. Autre question, existe-t-il des sources de plaisir pour lesquelles les opioïdes ne sont pas impliqués ? A priori non, en fait, ces molécules ne sont pas les seules à être impliquées dans le plaisir. « D’autres bases biologiques comme le circuit de la récompense (mettant en activité le cortex orbitofrontal, le striatum ventral et la synthèse de dopamine) assurent aussi cette fonction. »
Un lien avec l’anhédonie ?
Une autre question se pose : le manque d’opioïdes explique-t-il le phénomène d’anhédonie, cette quasi-indifférence à la musique ? « Non, l’anhédonie musicale ne peut pas être due à un dysfonctionnement de la synthèse d’opioïdes, auquel cas ce trouble affecterait toutes les sources de plaisir. » A ce jour, les pistes les plus sérieuses pour expliquer ce phénomène reposent sur un manque de connectivité cérébrale. Ce domaine demande de pousser la recherche plus loin, mais on peut imaginer que l’anhédonie trouve son origine dans un « mauvais couplage entre les régions auditives associatives et le système opioïdergique », avance le Pr Pessiglione. Ou encore par « un dysfonctionnement du système auditif comme dans l’agnosie musicale (difficulté à reconnaître/distinguer les airs de musique) ».
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Source : Scientific reports, le 8 février 2016. Interview du Pr Adiel Mallik, principal auteur de l’étude (Université Mc Gill, laboratoire perception musicale et cognition, le 13 février. Interview du Pr Mathias Pessiglione, chercheur à l'Institut du Cerveau et de la Moelle (ICM) au sein du service Motivation, Brain & Behavior lab (MBB), le 14 février 2016
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Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Dominique Salomon