Pénicilline : une allergie confirmée dans seulement 10 % des cas

27 novembre 2025

Une large part des personnes se croyant allergiques à la pénicilline, appartenant à l’une des familles d’antibiotiques les plus utilisées, les bêtalactamines, ne l’est finalement pas. Pour les 90 % injustement étiquetés « allergiques », ce n’est pas un détail : les exclusions thérapeutiques qui en découlent augmentent le risque de complications infectieuses.

Les véritables allergies à la pénicilline et à ses dérivés de la famille des bêtalactamines sont très rares mais peuvent être très sévères. Elles ne dépendent pas de la dose de l’antibiotique et sont totalement imprévisibles. Certains patients présentent alors un œdème du visage et des muqueuses, un choc anaphylactique ou une toxidermie (une réaction cutanée généralisée pouvant aller de simples éruptions à des atteintes graves avec décollement de la peau ou atteinte des organes). Dans ces cas, après la prise en charge en urgence, le patient doit être orienté vers une équipe spécialisée dans les allergies médicamenteuses. Les bêtalactamines ne doivent pas lui être prescrites par la suite, et cette contre-indication doit être clairement mentionnée dans son dossier médical.

Seules 10 % des personnes dites « allergiques à la pénicilline » ont une allergie confirmée !

Environ 5 à 15 % des habitants des pays développés seraient allergiques aux bêtalactamines. Cette famille, parmi les plus utilisées, devient alors proscrite… à vie ! Or plusieurs études ont montré que moins de 10 % des personnes se déclarant ou étiquetées « allergiques » le sont réellement.

Pourquoi tant de personnes supposées « allergiques à la pénicilline » ? Cette surévaluation peut s’expliquer par plusieurs raisons. Selon la Pr Annick Barbaud, cheffe du service de dermatologie et d’allergologie à l’hôpital Tenon (Paris), à l’occasion des Journées dermatologiques de Paris (02-06/12/25), « chez le jeune enfant, une infection virale peut entraîner une éruption cutanée lors de la prise d’antibiotiques de la famille des pénicillines, comme l’amoxicilline. Le médecin note alors parfois ‘Allergie à la pénicilline’ dans le carnet de santé ». Chez l’adulte, « certains effets secondaires des antibiotiques (nausées, vomissements, diarrhées ou mycoses) peuvent être confondus avec une allergie, alors qu’il s’agit simplement de tolérance digestive ou cutanée, sans contre-indication », poursuit la spécialiste. Enfin, « certaines personnes se voient attribuer cette allergie en raison d’antécédents familiaux, alors qu’aucune transmission génétique n’existe pour ce type de réaction ».

Comment savoir ?

Comment distinguer les personnes réellement allergiques à la pénicilline de celles qui ne le sont pas ? Les recommandations internationales préconisent de lever l’étiquette souvent erronée d’allergie aux bêtalactamines grâce à un interrogatoire approfondi et, si nécessaire, à un bilan allergologique permettant de confirmer ou d’invalider le diagnostic. La Société Européenne d’Allergologie et Immunologie Clinique a ainsi défini différentes approches pour retirer cette étiquette lorsqu’elle est injustifiée, avec un algorithme destiné à guider les praticiens en utilisant plusieurs outils.

Le médecin commence par interroger le patient sur le contexte de la notification de l’allergie :

– Si le patient rapporte des symptômes digestifs ou des mycoses, ou évoque une allergie familiale sans lien direct avec sa propre expérience, l’étiquette doit être retirée ;

– En cas de signes cliniques suggérant une allergie après un traitement par bêtalactamines, le dossier doit être analysé : type de symptômes, intensité et durée. De simples petites plaques rouges durant quelques jours (dit « exanthème aigu ») ne nécessitent pas de tests allergologiques et l’antibiotique peut être réadministré sous surveillance ;

– Si une éruption est survenue dans l’enfance après une prise de pénicilline, le dossier doit être revu avec le pédiatre afin de clarifier la situation.

– En cas de signes cliniques plus sévères après un traitement antibiotique, des tests allergologiques sont réalisés. Ils sont essentiellement cutanés car ils permettent de rechercher une sensibilisation aux bêtalactamines. Chez l’enfant, ces tests doivent être réalisés rapidement après l’accident allergique suspecté.

Si les résultats sont négatifs, il est possible de réintroduire le médicament en cause, d’abord dans un cadre hospitalier. Certains scores aident à déterminer si une telle réintroduction est appropriée. Ils prennent en compte l’ancienneté de l’accident (plus le temps passe chez l’enfant, plus il devient difficile de confirmer une véritable allergie), le type de réaction (exanthème simple, éruption, œdème, choc anaphylactique, toxidermie grave) et la nécessité éventuelle d’un traitement ou d’une hospitalisation pour gérer l’accident.

Une erreur aux lourdes conséquences

La question de savoir s’il s’agit d’une véritable allergie aux pénicillines est très importante. En effet, devoir se passer de cette classe thérapeutique augmente le risque d’infection du site opératoire après une intervention chirurgicale, car la prévention par antibiothérapie (ou antibioprophylaxie) n’est pas réalisée. Et en cas d’infection courante, l’impossibilité d’utiliser les pénicillines allonge la durée d’hospitalisation et accroît le coût des traitements, les alternatives étant plus chères sans être plus efficaces.

En cas d’infection chez un patient véritablement allergique à la pénicilline, il faut alors déterminer si l’allergie concerne l’ensemble des bêtalactamines. Car une allergie vraie à la pénicilline n’entraîne pas systématiquement une allergie à tous les autres antibiotiques de cette famille. Ainsi, le risque d’allergie « croisée » par exemple à une céphalosporine de 3e génération reste très faible, d’environ 1 %. Cette céphalosporine peut donc être prescrite, mais sous surveillance, idéalement pour la première administration à l’hôpital.

  • Source : Shenoy ES, Macy E, Rowe T, Blumenthal KG. Evaluation and Management of Penicillin Allergy: A Review. JAMA. 2019 Jan 15;321(2):188-199 ; article Vidal L’allergie à la pénicilline : plus de peur que de mal ? (2020) ; Dossier de presse des journées dermatologiques de Paris (02-06 décembre 2025).

  • Ecrit par : Hélène Joubert ; Édité par Emmanuel Ducreuzet

Destination Santé
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