Polémique vaccinale : le contre-feu des experts
02 juillet 2015
Pour la ministre de la Santé, Marisol Touraine relève « de la folie ». ©Phovoir
Depuis 6 mois, les pharmacies françaises peinent à s’approvisionner en vaccin tétravalent (diphtérie-tétanos-polio-coqueluche) et pentavalent (tétravalent + haemophilus influenzae de type B). Pour pallier ce manque, les médecins ont recours à la forme hexavalente, protégeant en plus contre l’hépatite B. Une solution critiquée par le Pr Henri Joyeux, chirurgien cancérologue et auteur d’une pétition alarmiste dénoncée par plusieurs spécialistes.
Dans sa pétition, le Pr Joyeux enjoint les parents à ne pas vacciner leurs enfants avec la forme hexavalente. La seule disponible en réponse aux ruptures d’approvisionnement liées à une augmentation de la demande dans les pays du tiers-monde. En fait, ce médecin oncologue accuse la valence protégeant contre l’hépatite B d’augmenter le risque de scléroses en plaques (SEP). Un vrai serpent de mer. « Or aucune étude scientifique ne prouve ce lien de cause à effet », confirme l’Académie nationale de médecine en réponse à cette polémique.
Utilisé par les praticiens notamment depuis la pénurie des vaccins tétra et pentavalent, le vaccin incluant la valence contre l’hépatite B est d’ores-et-déjà recommandé chez le nourrisson dans le calendrier vaccinal. « Ce vaccin est d’autant plus efficace qu’il est injecté précocement », affirme le Dr Marc Pilliot, pédiatre et membre de la Commission nationale de la Naissance et de la Santé de l’Enfant (CNNSE). La protection étant définitive, l’adolescent est déjà protégé lorsqu’arrive la sexualité, les voyages, parfois les conduites à risques, autant de vecteurs de contamination. »
Plusieurs angles d’attaque
Jugée alarmiste par les autorités de santé, cette pétition dénonce également :
- La présence d’adjuvants dans les vaccins. Entre autres, l’aluminium qui favoriserait le développement de la maladie d’Alzheimer ou de Parkinson. Là encore aucune étude n’existe à ce sujet. « Les sels d’aluminium sont connus pour prolonger la réaction immunitaire et donc l’efficacité du vaccin », précise le Dr Pilliot. Autre adjuvant incriminé, le formaldéhyde, classifié comme produit cancérigène. « Cette toxicité survient seulement en cas d’expositions respiratoires ou cutanées fréquentes et à haute dose. Or les dosages contenus dans les vaccins sont extrêmement minimes. » D’ailleurs le corps fabrique lui-même du formaldéhyde et les fruits et légumes que nous consommons chaque jour en contiennent aussi. « A titre d’exemple, on trouve 200 à 300 fois plus de formaldéhyde dans une poire que dans un vaccin » ;
- Le risque de surcharge immunitaire. Autre critique, les six valences du vaccin hexavalent seraient difficiles à supporter pour le système immunitaire des nourrissons. Pourtant, « l‘organisme apprend à se défendre contre les agressions extérieurs dès la naissance. Le Pr Joyeux, qui n’a pas d’expérience en immunologie, est influencé par sa pratique de la cancérologie. Il s’occupait de malades fragilisés par un déficit immunitaire causé par les traitements, ce qui n’est pas le cas d’un bébé bien portant », note le Dr Pilliot.
Pour l’Académie nationale de médecine, il est déplorable que sous le prétexte de la pénurie, le Pr Joyeux « accuse les vaccins combinés d’être dangereux et incite les parents à refuser la vaccination chez les nourrissons ». La priorité aujourd’hui est de « sensibiliser les parents, en leur expliquant de manière précise le pouvoir préventif de ces injections. Le vacciné est bien protégé mais il est aussi non-contagieux. Cette information est indispensable pour améliorer la couverture vaccinale à l’échelle mondiale », souligne le Dr Pilliot. Rappelons que la diphtérie, la poliomyélite ou encore la rubéole ont quasiment disparu grâce la vaccination. « C’est à de telles incitations à l’abstention vaccinale que l’on doit l’actuelle épidémie de rougeole dans l’est de la France ou le retour de la diphtérie en Espagne chez un enfant non vacciné (aujourd’hui décédé de la maladie). »
-
Source : Interview du Pr Marc Pilliot, pédiatre et membre de la Commission Nationale de la Naissance et de la Santé de l’Enfant (CNNSE), le 18 juin 2015
-
Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Dominique Salomon