Poppins : un jeu vidéo contre la dyslexie
19 avril 2024
Poppins se présente comme un outil de rééducation pour les enfants qui souffrent de dyslexie et de dysorthographie. Cette innovation thérapeutique propose des jeux conçus pour améliorer les troubles de l’apprentissage chez les enfants de 7 à 11 ans.
Un jeu vidéo contre la dyslexie ? C’est le pari de la start up française Poppins qui mise sur un jeu pour accompagner les enfants atteints de troubles de l’apprentissage. Poppins, développée depuis 5 ans et co-construite avec Ubisoft, est ce qu’on appelle un serious game, jeu sérieux en français, dont le principal objectif n’est pas le divertissement. Dans le cas présent, la thérapie.
En France, les troubles spécifiques du langage et des apprentissages, plus communément appelés les « troubles dys » sont fréquents. Selon la Haute autorité de santé, ils concerneraient près de 8 % des enfants d’une même classe d’âge, soit 1,3 million d’enfants de 5 à 15 ans. Le plus connu d’entre eux, la dyslexie, se caractérise par un déficit en lecture. On parle de dysorthographie pour le déficit en expression écrite et de dyscalculie pour le déficit du calcul.
Un diagnostic en milieu de CP
Souvent associée à une dysorthographie, la dyslexie se manifeste par une mauvaise association entre les signes écrits (graphèmes) et les sons (phonèmes) et une incapacité à reconnaître rapidement un mot dans sa globalité. « La dyslexie est diagnostiquée en milieu d’année de CP, soit après six mois d’apprentissage de la lecture. On observe souvent, dès la grande section, des signes avant-coureurs comme des difficultés à identifier les sons, associer les lettres de l’alphabet à des sons, entendre les syllabes… », détaille le Dr. Catherine Grosmaitre, neuropsychologue, responsable du Centre de référence des troubles du langage et des apprentissages à l’Hôpital Necker et membre du conseil scientifique de Poppins.
Des jeux de rythme et musique pour améliorer la lecture
L’application à télécharger propose deux modules de jeux, sur smartphone ou tablette. Objectif : une rééducation des troubles de l’apprentissage avec des jeux musicaux et les jeux de langage écrit. « Les jeux de rythme permettent de travailler les mêmes zones du cerveau que celles sollicitées pour la lecture. Des études antérieures ont mis en évidence des compétences rythmiques plus fragiles associées à tous les troubles du neurodéveloppement et en particulier à la dyslexie. Or, le rythme est au fondement de la perception de la parole et des compétences phonologiques nécessaires pour acquérir la lecture », explique le Dr. Catherine Grosmaitre.
Les compétences phonologiques servent à différencier et reconnaître les sons de la parole, reconnaître et entendre les différentes syllabes… Ce premier module, validé par une étude clinique récemment présenté lors d’un congrès mais dont les résultats n’ont pas encore été publiés, permet de travailler ces compétences de même que les prérequis au langage écrit. « Si on ne parvient pas à traiter de manière séquentielle les sons, on ne parvient pas à les différencier. Ces difficultés se retrouvent alors dans l’écriture. On sait grâce à de précédentes études que travailler sur le rythme et la musique permet de progresser.
Outre ce module de rythme, Poppins en propose un deuxième bâti sur des jeux de langage. Ils doivent permettre d’améliorer la fluidité de la lecture, la compréhension et l’écriture. « L’apprentissage est plus classique que les jeux de rythme mais il reste plus ludique, plus rééducatif qu’à l’école et la progression dans le jeu est totalement calée sur le niveau de l’enfant », poursuit la neuropsychologue.
Une application qui ne remplace pas les séances d’orthophonie
Poppins ne pourra pas remplacer la prise en charge de l’enfant par un orthophoniste. « Elle reste absolument indispensable et centrale. Le problème, c’est que les listes d’attente pour bénéficier d’un suivi par un orthophoniste sont très longues. Cela peut aller de 12 à 24 mois d’attente dans certaines régions. Poppins pourrait donc s’intégrer en amont de la rééducation, quand les enfants sont sur liste d’attente », souligne Catherine Grosmaitre. L’application peut aussi servir de complément à la prise en charge par un orthophoniste. « On sait en effet que pour qu’une rééducation soit efficace, il faut qu’elle soit systématiquement associée à une rééducation à domicile ».
Pour obtenir des résultats, l’enfant devra jouer 3 à 5 fois par semaine, lors de séance de 20 minutes, 10 minutes par module. L’étude clinique a montré une amélioration chez les enfants qui ont joué plus de 500 minutes sur une période de deux mois. En outre, « d’après les témoignages de parents dont les enfants suivent nos programmes, certains ont remarqué des améliorations en termes d’attention et de performance en lecture après 2 à 3 mois d’utilisation régulière de notre application », lit-on sur le site de Poppins. L’application, remboursée uniquement par certaines mutuelles, est indiqué pour les enfants de 7 à 11 ans. Les fondateurs espèrent une prise en charge par l’Assurance maladie.
Poppins sur Google Play : https://play.google.com/store/apps/details?id=com.poppins.therapy
Poppins sur l’App Store : https://apps.apple.com/us/app/poppins/id6466090054
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Source : Inserm, Poppins, HAS, Interview du Dr. Catherine Grosmaitre
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Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet