Pornographie : des mesures pour protéger les jeunes
15 juin 2018
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Ce 15 juin, le CNGOF dénonce l’impact de la pornographie sur la sexualité des adolescents. Et incite les pouvoirs publics à instaurer des mesures pour éloigner le jeune public de ces images biaisant totalement la réalité, le rapport au plaisir et le respect de l’autre.
Selon un sondage IFOP* réalisés en 2017, « 8% des 14-15 ans regardent du porno plusieurs fois par jour, parmi lesquels 5% de filles ». Une tendance qui fait de plus en plus d’adeptes dans le public non avisé. « Entre 2013 et 2017, le nombre d’adolescents consommateurs de pornos est passé de 18 à 53% », s’insurge le Collège nationale des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) dans son rapport du 15 juin.
« La plupart des adolescents ont vu des images pornographiques avant l’âge de 14 ans », complète le Dr, Serge Hefez, psychiatre responsable de l’Unité de thérapie familiale à l’Hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris. Et cette exposition n’est pas toujours volontaire étant donné la facilité d’accès aux images sur internet. Ainsi, « plus de 50% des garçons et des filles interrogés étaient déjà tombés dessus sans l’avoir cherché ».
Les voix des professionnels s’élèvent
« Cette grande disponibilité des images pornographiques, les stéréotypes qu’elles véhiculent mettent en danger les adolescents qui s’initient à la sexualité avec des idées fausses : taille du pénis hors norme pour les acteurs, épilation systématique de la région génitale pour les actrices », relève le CNGOF. « Mais aussi les corps parfaits, fesses sans cellulite, gros seins, ongles longs… voilà les critères de sélection et des attributs qui ne se rencontrent pas chez tout un chacun et qui dévalorisent l’image de celui qui consomme ces vidéos. »
En France, 46% des jeunes garçons ont déjà visionné des films ou des photographies à caractère pornographique issaro prakalung/shutterstock.com
Un cocktail de clichés sur la perfection des corps, mais aussi des rapports sexuels, qui creusent l’écart avec la réalité. « Comment à 11 ans peut-on discerner le vrai du faux ? », questionne le CNGOF. « Comment comprendre que dans la vraie vie les relations sexuelles nécessitent respect, connaissance de l’autre, dialogue, caresses…tout un rituel presque sacré fait de sensations agréables, de sentiments, de complicité partagée par des partenaires consentants ? »
Quels remparts contre cet accès ?
Des pistes sont proposées par le CNGOF pour éloigner les jeunes des sites pornographiques :
Des amendes aux fournisseurs d’accès. Selon le Dr Israël Nisand, président du CNGOF, ces derniers « devraient avoir l’obligation d’empêcher les mineurs de consulter les sites pornographiques en imposant des codes fournis à partir de la présentation de la preuve de la majorité ou en imposant une carte bancaire systématique. Pour ceux qui ne respecteraient pas cette obligation, il faut (…) leur infliger des pénalités qui ne soient pas symboliques : 10 millions d’euros à la première incartade, 50 en cas de récidive ».
Appliquer la loi. Le CNGOF dénonce aussi un manque cruel d’application de la loi « du 4 juillet 2001 et la circulaire du 17 février 2003 qui rendent obligatoire l’éducation à la sexualité dans les écoles, les collèges et les lycées à raison de 3 séances par an et par groupe d’âge homogène ».
D’autant que dans la sphère privée, les parents peuvent avoir du mal à se positionner. « C’est compliqué pour les parents d’aborder les questions de sexualité, par peur d’être intrusifs, de ne pas respecter l’intimité de l’enfant… Il leur faut trouver la bonne frontière… Peut-être doivent-ils en parler sans lui demander directement s’il va sur les sites pornos, en utilisant des biais, qui peuvent déclencher une conversation », propose le Dr Hefez.
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Pour Israël Nisand, il importe aujourd’hui « d’informer les enfants dans les écoles pour leur expliquer que, comme la drogue, la pornographie fait du mal ». Et présente un risque d’entrée dans la dépendance. Cependant, « il ne faut pas dramatiser, la grosse majorité saura se libérer de cette consommation et ne deviendra jamais addict », tempère le Docteur Serge Hefez. « En revanche, il existera toujours un petit pourcentage d’individus qui ne pourront pas s’en libérer sans aide, la plupart du temps parce qu’ils ont un terrain affectif et/ou social plutôt instable. »
S’inspirer de ce qui se fait à Outre-Manche. « Le gouvernement britannique par exemple propose un code à 16 chiffres et à usage unique que l’on pourra se procurer chez un marchand de journaux contre une preuve de sa majorité et la modique somme de 10 livres (un peu moins de 12 euros). » Une mesure complexe à instaurer, « notamment en raison du coût et de la facilité pour les consommateurs de trouver une parade pour ne pas avoir à payer. Mais elle devrait tout de même être mise en place en fin d’année 2018 ».
Signaler les contenus inappropriés. Dans ce domaine, « l’association Ennocence a lancé le 30 mai 2018 une plateforme de signalement de ces sites et engage ses premières actions en justice contre les sites contrevenants : un portail anonyme et libre d’accès qui vient mettre en pratique le projet du gouvernement de constituer une liste noire des sites de streaming illégaux ». L’association s’engage aussi « à mettre à disposition du Ministère ses listes de sites et contenus signalés sur balancetonsite.com, permettant ainsi de soutenir la lutte du gouvernement contre ces sites délinquants ».
*échantillon représentatif de 1 005 personnes, représentatif de la population âgée de 15 à 17 ans résidant en France métropolitaine. Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 21 au 27 février 2017.