Prévenir la mort subite grâce à l’IA, bientôt une réalité

01 avril 2025

L’arrêt cardiaque ou mort subite survient brutalement, sans signe précurseur, et frappe des individus qui n’ont pas toujours d’antécédents connus de maladie cardiaque. L’intelligence artificielle pourrait aider à les repérer. Un réseau de neurones artificiels conçu par des chercheurs américains et français de l’Inserm a permis d'identifier les personnes à risque de faire une arythmie grave pouvant provoquer un arrêt cardiaque dans les 2 semaines suivantes dans plus de 70 % des cas.

Chaque année, la mort subite d’origine cardiaque est responsable de plus de 5 millions de morts à travers le monde. Une étude publiée le 30 mars dans l’European Heart Journal laisse espérer que de nombreux décès par mort subite d’origine cardiaque pourraient être évités grâce à l’intelligence artificielle.

Détecter la mort subite avant qu’elle ne survienne

Ainsi, un réseau de neurones artificiels imitant le cerveau humain (modèle d’apprentissage profond ou deep learning) a été développé par des chercheurs de l’Inserm, de l’Université Paris Cité, et des Hôpitaux de Paris (AP-HP), en collaboration avec des chercheurs américains de l’université d’Harvard. En analysant les données de plus de 247 254 enregistrements électrocardiogrammes (ECG) ambulatoires de 14 jours, cet algorithme a permis d’identifier les individus à risque de faire une arythmie grave (précisément une « tachycardie ventriculaire soutenue ») pouvant provoquer un arrêt cardiaque dans les 2 semaines suivantes dans plus de 70 % des cas.

L’objectif est de mieux anticiper les arythmies, ces troubles inexpliqués du rythme cardiaque dont les formes les plus sévères peuvent entraîner un arrêt cardiaque fatal. Pour y parvenir, les chercheurs ont analysé plusieurs millions d’heures de battements de cœur à partir de plus de 240 000 électrocardiogrammes ambulatoires collectés dans six pays : États-Unis, France, Royaume-Uni, Afrique du Sud, Inde et République tchèque. Ils ont développé un réseau de neurones artificiels, lequel s’est montré capable d’identifier de nouveaux signaux faibles annonciateurs d’un risque d’arythmie. Les chercheurs se sont particulièrement intéressés au temps nécessaire à la stimulation électrique et à la relaxation des ventricules du cœur au cours d’un cycle complet de contraction et de relaxation cardiaque.

« Nous nous sommes rendu compte qu’il était possible d’identifier, sur l’analyse de leur signal électrique pendant 24 heures, les sujets susceptibles de développer une arythmie cardiaque grave dans les deux semaines qui suivent. Ce type d’arythmie, s’il n’est pas pris en charge, peut évoluer vers un arrêt cardiaque fatal », explique le Dr Laurent Fiorina, premier auteur de l’étude, chercheur au sein du laboratoire Paris – Centre de recherche cardiovasculaire (Inserm/Université Paris Cité), cardiologue à l’Institut cardiovasculaire Paris Sud. .

Les patients à risque identifiés dans 70 % des cas

Le réseau de neurones artificiels est encore en phase d’évaluation, mais il a déjà démontré, dans le cadre de cette étude, sa capacité à identifier les patients à risque dans 70 % des cas et à confirmer l’absence de risque chez 99,9 % des patients.

Ce modèle innovant d’apprentissage, appliqué à des électrocardiogrammes ambulatoires, permet d’identifier avec précision les patients exposés à un risque imminent d’arythmie du ventricule cardiaque.

Le modèle détecte un signal électrique particulier dans le cœur, appelé “dépolarisation précoce”, qui pourrait annoncer la survenue d’une arythmie ventriculaire grave. Cela signifie qu’il repère des signes avant-coureurs dans l’activité électrique du cœur, permettant d’identifier les personnes à risque avant qu’un problème sérieux ne survienne.

Quelle est la prochaine étape ?

Cet algorithme pourrait, à terme, renforcer la surveillance des patients à risque à l’hôpital. Une fois ses performances améliorées, il serait même possible d’imaginer l’associer à des appareils de mesure (holters) ambulatoires pour détecter l’hypertension ou encore à des montres connectées pour un suivi en temps réel.

C’est un changement de paradigme dans la prévention de la mort subite, fait remarquer le Pr Eloi Marijon, chef du service de cardiologie à l’Hôpital européen Georges-Pompidou AP-HP : « jusqu’à présent, nous essayions d’identifier les patients à risque sur le moyen et long terme, mais nous étions incapables de prédire ce qui pouvait se passer dans les minutes, les heures ou les jours précédant un arrêt cardiaque. Aujourd’hui, grâce à l’intelligence artificielle, nous sommes capables de prédire ces événements à très court terme et, potentiellement, d’agir avant qu’il ne soit trop tard ».

La toute prochaine étape : réaliser des études cliniques prospectives pour tester l’efficacité de ce modèle en conditions réelles.

  • Source : Laurent Fiorina, Tanner Carbonati, Kumar Narayanan, Jia Li, Christine Henry, Jagmeet P Singh, Eloi Marijon, Near-term prediction of sustained ventricular arrhythmias applying artificial intelligence to single-lead ambulatory electrocardiogram, European Heart Journal, 2025;, ehaf073, https://doi.org/10.1093/eurheartj/ehaf073 ; Communiqué de presse Inserm du 30 mars 2025

  • Ecrit par : Hélène Joubert ; Édité par Emmanuel Ducreuzet

Destination Santé
Résumé de la politique de confidentialité

Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous offrir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre quelles sections du site Web vous trouvez les plus intéressantes et utiles.

Plus d'informations sur notre politique de cookies sur nos CGU.

Aller à la barre d’outils