Sportifs amateurs, qui doit passer un électrocardiogramme ?
06 janvier 2025
L’activité physique est excellente pour la santé. Cependant, le stress généré par le sport, y compris de loisir, peut révéler la présence de plaques d’athérome à l’intérieur des artères du cœur. Silencieuses au repos, elles réduisent le flux sanguin et l’oxygénation du cœur lors d’un effort, d’où un risque d’événements cardiaques aigus, comme un infarctus du myocarde. Quels sont les sportifs à risque qui devraient passer un électrocardiogramme préventif ?
Même en excellente forme physique apparente, les sportifs de loisir peuvent présenter une dyslipidémie*, une hypertension artérielle ou être fumeurs. L’ensemble de ces facteurs « favorisent le rétrécissement progressif du diamètre des coronaires, les artères qui alimentent le cœur, avertit David Hupin, médecin du sport au CHU de Saint-Étienne et chercheur dans l’unité Inserm Sainbiose. Ce processus est appelé maladie coronarienne. Chez les adultes de plus de 35 ans, cette pathologie constitue la principale cause de mort subite cardiaque. »
Le sport, un stress pour l’organisme qui peut révéler une maladie coronarienne
Cet événement reste heureusement très rare chez les adultes en bonne santé. Toutefois, il survient plus fréquemment chez les sportifs pendant un effort. En effet, le sport est un stress pour l’organisme. Il ne s’agit pas ici de dénigrer l’activité physique, dont les bénéfices sont largement supérieurs aux risques auxquels elle expose – les personnes sportives ont un risque cardiovasculaire nettement inférieur à celui des personnes inactives -, mais de prendre conscience que le sport peut révéler une maladie coronarienne chez un sportif de loisir, et pas uniquement chez un athlète de haut niveau.
L’activité sportive entraîne en effet une augmentation du rythme cardiaque, de la tension artérielle et favorise la déshydratation. Autant de facteurs de stress susceptibles de révéler la présence de plaques d’athérome. Asymptomatiques le reste du temps, au cours d’un effort elles réduisent ainsi le flux sanguin qui apporte l’oxygène au muscle cardiaque. Cette ischémie peut entraîner des événements cardiaques aigus, tels qu’un infarctus du myocarde.
Qui devrait passer un ECG d’effort ?
Les médecins restent partagés sur l’utilisation de l’électrocardiogramme d’effort (ECG d’effort) pour repérer les sportifs amateurs à risque. Cet examen simple et accessible évalue la fonction cardiaque et détecte une maladie coronarienne. Les résultats peuvent être faussement rassurants ou, au contraire, entraîner des examens complémentaires inutiles et anxiogènes. C’est pourquoi ce test n’est généralement pas proposé en l’absence de symptômes.
Pour mieux cibler les sportifs de plus de 35 ans les plus à risque d’événements cardiaques aigus, David Hupin et l’équipe de Frédéric Roche au CHU de Saint-Étienne ont cherché à identifier ceux pour qui l’ECG d’effort serait le plus pertinent. Selon leurs conclusions, la majorité des sportifs asymptomatiques présentant au moins deux facteurs de risque cardiovasculaires ont un risque significatif de complications, identifiable par un ECG d’effort.
Pour cela, le chercheur et son équipe ont analysé l’activité électrique du cœur de près de 2 500 sportifs de plus de 35 ans, en apparente bonne santé cardiovasculaire. Résultat : un sportif sur 10 présentait cette anomalie à l’ECG d’effort, et les examens complémentaires ont confirmé que la majorité d’entre eux souffraient effectivement d’une ischémie « silencieuse », c’est-à-dire sans symptômes apparents.
Un sportif sur 10 présente une anomalie à l’ECG d’effort
Dans les trois années suivant la réalisation de l’ECG d’effort, 2 % des participants ont présenté un événement cardiovasculaire, principalement un infarctus du myocarde. « Ceux ayant au moins deux facteurs de risque cardiovasculaire avaient deux fois plus de risque d’avoir un ECG d’effort anormal, huit fois plus de présenter une ischémie cardiaque silencieuse, et sept fois plus de risques de développer une complication cardiaque sévère au cours du suivi, précise David Hupin. Il serait donc possible de sélectionner assez facilement les sportifs qui tireraient le plus grand bénéfice du test d’effort. »
L’ECG d’effort est finalement un bon examen dans ce groupe à risque, avec une spécificité de 93 %, ce qui signifie que 93 personnes sur 100 ayant un résultat anormal présentent effectivement une ischémie silencieuse (réduction du flux sanguin vers le cœur qui ne provoque pas de symptômes évidents, tels que la douleur thoracique). Il affiche également une sensibilité de 77 %, indiquant que, utilisé comme test de dépistage, l’ECG d’effort permettrait d’identifier plus de trois quarts des sportifs concernés.
Et pour sélectionner ceux qui devraient passer cet examen, rien de plus simple : indiquer à son médecin ses facteurs de risque cardiovasculaires (diabète, dyslipidémie, hypertension artérielle, tabagisme, antécédents personnels d’évènements cardiovasculaires, mais aussi familiaux à un âge jeune.)
Une limite à ces recherches, qui se poursuivent, est l’absence de puissance statistique suffisante pour se prononcer de manière affirmative chez les femmes.
* La dyslipidémie désigne une anomalie des lipides sanguins, notamment une augmentation du cholestérol LDL (le « mauvais » cholestérol) ou des triglycérides, et/ou une diminution du cholestérol HDL (le « bon » cholestérol). Cela favorise la formation de plaques d’athérome dans les artères, augmentant ainsi le risque d’évènements cardiovasculaires (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral…).
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Source : D. Hupin et coll. Screening Sportsmen and Sportswomen Over Age 35 : The Relevance of an Exercise Electrocardiogram. Data From the SEEPRED Study. Scand J Med Sci Sports, doi :10.1111/sms.14686 ; Complications cardiaques : comment repérer les sportifs à risque ? Communiqué Inserm du 17/10/24
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Ecrit par : Hélène Joubert ; Édité par Emmanuel Ducreuzet