Protoxyde d’azote récréatif : une 1ère téléconsultation pour limiter le risque d’addiction
15 novembre 2024
Il y a cinq ans encore marginal, l'usage récréatif du protoxyde d’azote – ce gaz hilarant inhalé le plus souvent via des ballons de baudruche – explose en France, surtout chez les moins de 25 ans. Or ce produit, potentiellement addictif, peut causer des dommages irréversibles au système nerveux. Les Hospices Civils de Lyon lancent la 1ère téléconsultation en France, pour un dépistage plus précoce des consommateurs à risque.
Depuis le début de l’année 2024, plus de trente patients ont été hospitalisés à l’hôpital Pierre Wertheimer (Hospices Civils de Lyon) en raison des effets liés à l’usage récréatif de protoxyde d’azote. Parmi eux, un jeune homme de 22 ans doit désormais se déplacer avec des béquilles, un adolescent de 16 ans souffre de graves troubles neurologiques, et une jeune patiente, tellement dépendante, consomme ce gaz même lors de son séjour en soins de suite et de réadaptation. Face à la hausse des hospitalisations, les Hospices Civils de Lyon (HCL) inaugurent la première téléconsultation en France spécialement dédiée aux consommateurs de protoxyde d’azote.
« Le proto, c’est trop risqué d’en rire »
« Le gaz hilarant ne fait plus rire du tout », avertit le Dr Christophe Riou. Addictologue aux Hospices Civils de Lyon et membre du Service universitaire d’addictologie de Lyon (SUAL), ce médecin s’est spécialisé il y a quelques mois dans la prise en charge des patients affectés par le « gaz hilarant ».
Les cas problématiques, souvent dramatiques, sont en recrudescence et touchent principalement de jeunes patients. En 2017, le centre antipoison des HCL de Lyon (Rhône) n’avait enregistré qu’un seul appel pour un incident lié au protoxyde d’azote ; en 2022, ce nombre a grimpé à 80. « Depuis 2019, le nombre de dossiers a été multiplié par 20 », confirme le Dr Alexandra Boucher, pharmacienne responsable du centre d’addictovigilance des HCL.
À l’échelle nationale, l’alerte est similaire : les cas cliniques liés au protoxyde d’azote ont explosé au cours des cinq dernières années, comme le soulignait l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) dans son étude parue fin 2023.
« Et nous parlons ici uniquement des cas cliniques recensés, bien loin de refléter l’ampleur réelle de la consommation », s’inquiète Alexandra Boucher. Une étude de Santé Publique France parue à l’automne 2023 révèle qu’en 2022, 4,3 % des Français avaient déjà expérimenté le protoxyde d’azote, un chiffre qui grimpe à 13,7 % chez les 18-24 ans, dont 3,2 % avaient inhalé ce gaz au cours de l’année. La consommation a fortement augmenté pendant la pandémie de Covid-19.
Un gaz inoffensif ? En réalité addictif et neurotoxique
« Parce que ce gaz (N2O) est légalement accessible et que ses effets euphorisants sont éphémères, les usagers le considèrent souvent comme inoffensif, prévient le Dr Riou. En réalité, le protoxyde d’azote induit une dépendance, en stimulant les récepteurs du plaisir et créant une dépendance affective. » Il est également neurotoxique : à doses élevées, il peut causer des lésions neurologiques graves et irréversibles, pouvant même conduire à une paralysie des membres, une détresse psychologique, des malaises et des vertiges.
La téléconsultation, une formule adaptée au jeune public
L’ouverture de la téléconsultation dédiée à ce phénomène a été initié par le Dr Christophe Riou, en collaboration avec le centre d’addictovigilance des Hospices Civils de Lyon et l’hôpital Pierre Wertheimer. Cette solution, facile d’accès, discrète, est plus adaptée à un jeune public et son entourage.
« Le problème est que les premiers symptômes, comme des fourmillements dans les bras ou les jambes, semblent souvent bénins, souligne le Dr Riou. De nombreux patients, en majorité très jeunes, n’y prêtent pas attention ou minimisent les signes. Et lorsqu’ils se tournent vers nous, il est souvent trop tard. » Avec la téléconsultation, l’objectif est d’atteindre les consommateurs dès le stade infraclinique (une phase où des altérations physiologiques commencent à apparaître dans le corps, mais sans symptôme visible pour le patient).
Cette téléconsultation a un autre objectif : permettre un accès aux soins en cas de détection d’usage abusif. En effet, les patients, certains professionnels de santé et travailleurs sociaux, sont souvent mal informés des dangers du protoxyde d’azote. Le patient est alors dirigé vers les urgences, sans prise en compte systématique de la dimension addictologique. Il s’agit donc d’y remédier grâce à cette téléconsultation. Si un usage problématique est détecté, avec ou sans signes cliniques, le patient se verra proposer une consultation en présentiel. A cette occasion, en fonction de divers critères biologiques (comme le taux de vitamine B12, dégradé par le protoxyde d’azote) ou neurologiques (évalués notamment via un électromyogramme), plusieurs options de soins pourront être envisagées : traitement médicamenteux, suivi régulier ou hospitalisation.
La téléconsultation en pratique
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Source : 26 octobre 2023 : « Niveaux de consommation du CBD et du protoxyde d’azote en population adulte en France métropolitaine en 2022 », par l’ANSM ; Communiqué « les HCL lancent la première téléconsultation, en France, dédiée aux consommateurs de protoxyde d’azote » du 12/11/24 ; CBD et protoxyde d’azote : quels sont les niveaux de consommation chez les adultes en France ? 10/23 Santé publique France.
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Ecrit par : Hélène Joubert - Édité par Emmanuel Ducreuzet