Réseaux sociaux : #SkinnyTok, cette tendance qui glorifie la minceur

06 mai 2025

Des années après le mouvement pro-ana, prônant l’anorexie, un hashtag très populaire sur TikTok inquiète les professionnels de santé. De très jeunes utilisateurs se retrouvent exposés à #SkinnyTok, qui distille des propos culpabilisants, grossophobes et pousse à l’extrême minceur.  

« J’espère que ce que tu as mangé vaut la peine d’être gros cet été » ; « Si ton estomac gargouille, c’est toi déjà qui t’applaudis » ; « Quand tu as envie de grignoter, souviens-toi de la phrase de Kate Moss : rien n’a aussi bon goût que la sensation d’être mince » ; « Tu n’es pas moche, tu es juste grosse » … Ces phrases ne sont pas extraites des forums pro-ana qui sont apparus sur le web au début des années 2000 sur Tumblr, Skyblog ou Pinterest et qui faisaient la promotion de l’anorexie mentale. Elles sont bien plus récentes et ont été prononcées sur les réseaux sociaux, TikTok majoritairement, et s’affichent sous l’hashtag #SkinnyTok.

D’abord dédié à la promotion de la minceur et à la délivrance de conseils pour mieux se nourrir, l’hashtag a désormais pris ces dernières semaines une tournure inquiétante avec une injonction à la maigreur, des messages grossophobes et une culpabilisation permanente. Mais alors que les blogs des années 2000 restaient assez confidentiels, la puissance de frappe du réseau social chinois et de son puissant algorithme pourraient bien faire des ravages chez les jeunes adolescents qui y sont exposés. Le risque ? Des restrictions alimentaires à très haut risque pour la santé physique et mentale.

« Une glorification de la douleur, de la faim et du contrôle »

Selon la Fédération française anorexie et boulimie (FFAB), « l’exposition à ce type de messages peut être un déclencheur d’une restriction alimentaire pathologique, voire d’une aggravation d’un trouble du comportement alimentaire (TCA) ou d’une rechute ». Alors que de nombreuses vidéos proposent des régimes à moins de 1 000 voire 800 kcal par jour, le retrait total de catégories alimentaires et une activité physique excessive, « ces recommandations relèvent de la mise en danger et s’accompagnent d’une glorification de la douleur, de la faim et du contrôle ».

Les vidéos montrant des corps auxquels ressembler relève de l’impossible sans se mettre en danger, la FFAB estime que « l’exposition à ces modèles augmente l’insatisfaction corporelle, qui est un facteur de risque majeur de TCA, tel que l’anorexie mentale – bien connue – mais aussi la boulimie ou l’hyperphagie boulimique ».

Elle craint enfin un effet Werther alimentaire, comme dans le suicide mimétique. « La répétition des images et discours autour de la maigreur peut entraîner une contagion des comportements à risque. Le traitement médiatique sensationnaliste ou non encadré peut même renforcer le phénomène, et la diffusion des images pour illustrer le phénomène est délétère… »

Quels sont les risques de la dénutrition sur la santé physique et mentale ?

  • troubles électrolytiques (hypokaliémie : faible taux de potassium dans le corps) ;
  • troubles cardiaques ;
  • ostéoporose précoce ;
  • dysfonctionnement hormonal ;
  • grande fatigue ;
  • perte de cheveux ;
  • retard de croissance et de puberté chez les enfants et adolescents ;
  • estime de soi dégradée ;
  • anxiété chronique ;
  • dépression ;
  • conduites suicidaires.

La fédération s’alarme enfin du maintien ou de l’aggravation de TCA chez les personnes à risques dont le nombre, selon plusieurs études, aurait fortement augmenté chez les plus jeunes depuis la pandémie de Covid-19.  « Les cas de TCA, d’anorexie mentale notamment, ont fortement augmenté avec la crise sanitaire. Les demandes de prise en charge dans notre centre référent TCA ont été multipliées par trois, à partir de 2021. Il y a de plus en plus d’anorexies pré pubères, dès l’âge de 10-12 ans », illustrait en 2024 le Dr Diane Morfin, psychiatre pour enfants et adolescents aux Hospices civils de Lyon, à l’occasion de la journée mondiale des TCA.

Quelles solutions pour protéger les plus jeunes ?

Quant à TikTok, une étude australienne publiée en 2024 sur PLOS One, montrait que l’exposition des jeunes femmes de 18 – 28 ans à des contenus pro-anorexie sur le réseau social entraînait des conséquences immédiates sur l’image qu’elles avaient de leur corps, augmentant potentiellement le risque de développer des croyances et des comportements alimentaires désordonnés. Ce risque augmentait en même temps que le temps passé sur l’algorithme.

La FFAB plaide pour une réglementation de l’usage des réseaux sociaux pour protéger les mineurs, le renforcement dès le plus jeune âge de l’éducation à l’utilisation du numérique et des médias et à une prévention globale des TCA, au-delà de la lutte contre les idéaux de maigreur. Celle-ci devrait intégrer les autres facteurs de vulnérabilité commun aux troubles mentaux (troubles des régulations émotionnelles, traumatismes, isolement) et qui soit intégrée à une stratégie ambitieuse de prévention en santé en cette année de grande cause nationale « santé mentale ». Elle dénonce en outre une offre de soins insuffisante, incompatible, selon elle, avec la prévention secondaire, le repérage précoce et une prise en charge adaptée.

Le 18 avril, Clara Chappaz, la ministre déléguée chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique a annoncé sur les réseaux sociaux avoir saisi l’Arcom et la commission européenne sur ce sujet.

A noter : l’anorexie mentale, la boulimie, et l’hyperphagie boulimique sont les trois principaux troubles des conduites alimentaires. La première pourrait toucher jusqu’à 1,5 % des femmes 0,3 % des hommes. Les personnes atteintes sont des femmes dans 80 % des cas avec un pic de fréquence chez les 13-14 ans et les 16-17 ans. La boulimie concerne quant à elle 1,5 % des 11-20 ans et touche en majorité les femmes. Le pic de fréquence se situe vers 19-20 ans. L’hyperphagie alimentaire (crise boulimique sans comportement compensatoire) touche autant les hommes que les femmes et apparaît plutôt à l’âge adulte.

Pour demander de l’aide, la ligne téléphonique « Anorexie boulimie info écoute » est ouverte de 16 heures à 18 heures les lundis, mardis, jeudis et vendredis au 09 69 325 900.

  • Source : FFBA, Plos, Ameli.fr

  • Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Vincent Roche

Destination Santé
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