Salles de shoot : une prévention efficace
12 mai 2021
Lieu d’accueil pour des injections sûres et encadrées, les premières salles de shoot ont vu le jour en 2016 en France. Baisse des infections, incitation aux soins, sécurisation de l’espace public : l’Inserm fait le point sur l’efficacité de cette mesure.
Prendre en charge la maladie qu’est l’addiction. Dépasser l’interdiction des stupéfiants inscrit dans la loi de 1970 et miser sur la prévention. Voici les enjeux soulevés par l’ouverture des salles de shoot en France, expérimentation initiée en 2016* à Paris et Strasbourg.
Une supervision lors de la prise de substances, du matériel aseptisé, un accompagnement au sevrage si besoin : ces espaces visent la réduction des risques (RDR) auprès des usagers de drogue par injection. A quel point ces salles de consommation à moindre risque (SCMR) s’avèrent-elles efficaces ? Pour répondre à cette question, l’Inserm a mené l’enquête en 2013 et en 2017 auprès de 665 usagers de drogues fréquentant ou non une SCMR. Au total, 160 parties prenantes (riverains, agents de propreté, policiers, professionnels de santé spécialisés dans le réduction des risques, usagers de drogues, élus locaux) ont été consultés pour le volet sociologique de l’évaluation**.
Infections, urgences et économies
Résultat, « l’accès à ces structures permet d’améliorer la santé de ces personnes (baisse des infections au VIH et au virus de l’hépatite C, des complications cutanées dues aux injections et des overdoses), et de diminuer les passages aux urgences ». En conséquence, des économies de 11 millions d’euros sont estimées si l’on projette une fréquentation à 10 ans dans ces espaces. Les salles de shoot ne sont pas encore des portes d’accès aux soins pour les usagers de drogue. Comment l’expliquer ? A cause de « la plus grande précarité des populations utilisatrices des SCMR que celle des personnes utilisant les autres structures de soin ». Les principaux usagers ne bénéficient pas de couverture sociale. Et ces lieux nouveaux ne sont pas encore bien identifiés sur le territoire.
Zoom sur la tranquillité publique
Dans l’espace public, « les injections diminuent ». Le nombre de seringues abandonnées a été divisé par 3 depuis l’ouverture des salles. « La proportion de délits commis récemment par les utilisateurs de la SCMR est significativement moins importante comparée aux non-utilisateurs. »
Pour autant, le sujet cristallise encore les esprits chez les riverains. « C’est souvent moins le dispositif même de SCMR qui est critiqué que son emplacement en zone résidentielle », détaille l’Inserm. Même si certains riverains « sont rassurés de la présence de la SCMR dans le quartier (…) et demandent une augmentation des heures d’ouverture et l’ouverture d’autres SCMR ».
Dans la population générale, les salles de shoot semblent bien acceptées. Au total, 80,2% des Français y sont favorables et 55,1% donnent leur feu vert pour qu’une SCMR s’ouvre dans leur propre quartier***. « Il ne s’agit en aucun cas de banaliser la consommation de drogues », affirmait en 2016 Marisol Touraine, alors ministre de la Santé, lors de l’ouverture des premières SCMR. « Mais fermer les yeux face à telle une réalité sociale et sanitaire ne fera pas disparaître le problème. La France fait donc le choix d’inclure plutôt que d’exclure ».
Aujourd’hui, l’Inserm confirme que les SCMR « ne résolvent pas à elles seules, l’ensemble des problèmes de santé et de tranquillité liés à l’usage de drogues ». Mais « de nouvelles implantations méritent d’être étudiées, en fonction des contextes locaux, en complément des autres dispositifs d’accompagnement de réduction des risques, et de sécurisation de l’espace public. »
A noter : à ce jour, 80 salles de shoot sont ouvertes dans 9 pays d’Europe.
* Inscrite dans la Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé
**en complément « de l’enquête EROPP sur l’opinion des français sur les SCMR en 2018 (…), de l’analyse des discours dans la presse et sur une étude des traces de consommation dans l’espace public (présence de seringues) avant et après l’ouverture de la salle, menée à partir d’observations ethnographiques et d’une modélisation par séries temporelles »
*** Selon l’enquête EROPP-OFDT 2018