Suicide des personnes âgées : comment protéger cette population à risque ?

29 septembre 2025

Les personnes âgées de 65 ans et plus représentent la tranche d’âge la plus à risque de décès par suicide. Pourtant, c’est un sujet dont on ne parle pas, ou rarement.

Chaque année en France, près de 10 000 personnes se suicident et 200 000 font une tentative de suicide. 30 % des décès par suicide concernent les plus de 65 ans. Alors que les seniors ne représentent que 20 % de la population, cette tranche d’âge est statistiquement la plus à risque de décès par suicide. « Ils font cependant moins de tentatives de suicide que les plus jeunes, souligne le Dr Jean Roche, psychiatre de la personne âgée, au CHU de Lille (Nord). Précisément, la mortalité est liée à deux choses : les modes de suicide choisis et les fragilités sous-jacentes (comorbidités). On retrouve, notamment chez les hommes, des modes violents de passage à l’acte (arme à feu, noyade…) »

Les hommes sont également largement surreprésentés. C’est aussi le cas dans la population générale, puisque 3 décès par suicide sur 4 concernaient des hommes en 2023. Les 65 ans et plus représentent le taux le plus élevé avec 38,7 décès pour 100 000 hommes. « Plus on avance en âge, plus la mortalité chez les hommes par suicide est importante. C’est également vrai pour les femmes mais davantage marqué chez les hommes », avance le Dr Roche.

Toutefois, cette réalité est peu connue du grand public. « Le suicide des personnes âgées est une thématique assez peu couverte médiatiquement, voire ‘invisibilisée’, bien que la problématique soit quantitativement très importante quand elle est rapportée à la taille de la population concernée. En revanche, le suicide des jeunes frappe davantage l’opinion publique », lisait-on dans le 6e rapport de l’Observatoire national du suicide, publié en février 2025.

Quels sont les différents facteurs de risque de suicide chez les personnes âgées ?

Selon notre expert, on distingue les facteurs de risque prédisposants, tels que :

  • l’isolement social ;
  • le fait d’être un homme ;
  • les antécédents personnels ou familiaux de suicide ;
  • les troubles psychiatriques : « notamment les dépressions qui sont assez fréquemment associées au risque de suicide chez les personnes âgées »;
  • les maladies chroniques ;
  • les douleurs mal soulagées ;
  • les antécédents de maltraitance et la maltraitance…

Les facteurs contributifs sont généralement des situations plus récentes comme les problèmes d’addiction (alcool…) ou des conflits familiaux.

Les facteurs précipitants, eux, peuvent déclencher le passage à l’acte. Comment le décès d’un proche, l’annonce d’une maladie grave, un changement de lieu de vie subi comme un déménagement pour un rapprochement familial ou l’entrée en Ehpad.

Quels signes doivent alerter l’entourage ?

Outre des symptômes dépressifs auxquels il faut être attentif, il est important de reconnaître les signes annonciateurs d’un passage à l’acte :

  • une personne très anxieuse qui devient plus calme : cela peut signifier que la personne a pris sa décision ;
  • le fait qu’une personne se mette à donner des choses de valeur auxquelles elle tient ;
  • des consultations médicales répétées…

« On retrouve aussi fréquemment une perte de l’estime de soi avec l’impression d’être une charge pour son entourage et l’expression d’une forme de culpabilité. »

Des signes banalisés

Ces signes sont difficiles à repérer, surtout parce qu’ils sont banalisés. Certains signes qui devraient alerter ne sont pas suffisamment pris au sérieux par les proches. « Il ne faut surtout pas banaliser des expressions comme ‘autant en finir maintenant’. Car il s’agit déjà de l’expression d’une pensée de mort », prévient le psychiatre. Ainsi, le fait de tenir régulièrement des paroles suicidaires auprès de ses proches ne diminue pas le risque de passage à l’acte et doit être pris en considération. Parfois, ils n’en parlent pas, mais leur comportement social se modifie et cela doit interpeller.

Pour le Dr Jean Roche, « les adultes plus jeunes ont une image négative de la vieillesse qui fait que les signes sont banalisés. Des symptômes de dépression, tels que la tristesse, la baisse de l’appétit, la baisse d’activité, les troubles du sommeil ne sont souvent pas pris au sérieux et mis à tort sur le compte de l’âge, à cause d’idées reçues comme : une personne âgée a moins besoin de manger, ne s’intéresse plus, est triste…. C’est faux ! Or banaliser les symptômes, les rationaliser à tort, empêche d’identifier le risque ».

Comment prévenir le suicide des personnes âgées ?

Outre ces symptômes banalisés, la perception même du suicide de la personne âgée est erronée. « Il est encore trop souvent perçu comme un suicide mûrement et posément réfléchi, alors que ce type de suicide est très minoritaire ! La grande majorité des suicides ne sont pas des choix mais apparaissent comme la seule solution que peuvent encore envisager les personnes tellement elles souffrent moralement. Les solutions possibles ne sont plus vues par la personne, qui se retrouve comme dans un entonnoir, et à la fin, il ne reste que le suicide. Comme à tout âge, on peut arrêter ce processus, si on le repère. Les personnes suicidaires ne veulent pas mourir, elles veulent arrêter de souffrir ! »

Par ailleurs, on le sait désormais, les personnes âgées contactent peu le 3114, le numéro national de prévention du suicide. Plusieurs raisons à cela comme les difficultés d’utilisation du téléphone, le tabou autour du suicide, la crainte de la psychiatrie, la banalisation de la souffrance liée à l’âge ou le manque de formation des professionnels, au domicile comme à l’Ehpad. Pour le Dr Roche, « il faudrait des interventions spécifiques pour ces personnes âgées que l’on ne va pas sensibiliser de la même manière que les plus jeunes. Si on veut faire baisser le nombre de décès par suicides en France, il faut cibler aussi les aînés ».

Autres leviers : sensibiliser les acteurs de santé afin qu’ils repèrent mieux les fragilités spécifiques à cette tranche de la population. Une meilleure prise en charge des douleurs chroniques, des symptômes dépressifs sont autant de facteurs protecteurs, tout comme le développement du lien social. « On sait qu’être pro-actif, aller vers ces personnes, appeler pour prendre des nouvelles est protecteur car l’isolement est un facteur de risque important. Il faut réfléchir à redonner une place dans la société à la personne âgée et recréer du lien social avec elle. Cela diminuera le risque de passage à l’acte et redonnera un sens à sa vie ».

Si vous êtes en détresse et/ou avez des pensées suicidaires, si vous voulez aider une personne en souffrance, vous pouvez contacter le 3114, numéro national de prévention du suicide. Le site internet 3114.fr est également disponible. 

  • Source : Interview du Dr. Jean Roche, Psychiatre de la Personne âgée au CHU de Lille ; ONS, février 2025

  • Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet

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