TDAH à l’âge adulte : « il me fallait un diagnostic !»

04 décembre 2024

A 35 ans, Catherine Testa a été diagnostiquée d’un trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité. Pour la cheffe d’entreprise, il s’agit d’un TDAH mixte, un des trois types de ce trouble, le plus fréquent, qui associe trois groupes de symptômes, inattention, agitation et impulsivité. Depuis ce diagnostic, Catherine Testa a écrit un livre « TDAH, et alors ? » (éd. Michel Lafon). Objectif : témoigner sur la réalité du TDAH à l’âge adulte, raconter son parcours, livrer des conseils pour compenser les difficultés liées au TDAH dans la vie quotidienne. Entretien.

Vous avez cherché un diagnostic à 35 ans. Pourquoi ?

Catherine Testa : Je m’étais toujours sentie en décalage par rapport aux autres. J’avais un mode de fonctionnement différent, qui allait de l’hyper-obsession sur certains sujets, au fait d’avoir beaucoup de mal à prioriser les tâches… A 35 ans, j’avais lancé mon entreprise, j’exerçais des responsabilités administratives, financières, managériales… Et je me suis retrouvée en souffrance car je ne parvenais plus à compenser ce qui pour moi avait toujours été un simple trait de personnalité. Cette perte de temps liée à des problèmes d’organisation, de priorisation, je ne parvenais plus à y faire face. Et j’étais de plus en plus fatiguée, débordée. C’est à ce moment que je me suis posé la question d’un TDAH. J’ai compris que j’avais besoin d’aide et qu’il me fallait un diagnostic.

Et effectivement, c’était bien un TDAH…

J’étais vraiment soulagée d’avoir le diagnostic. Sachant que j’avais un TDAH, j’allais pouvoir, à partir de là, adapter mon quotidien. C’était un point de départ et la sensation d’enfin avoir la pièce manquante du puzzle. Beaucoup de choses s’expliquaient enfin. Un truc classique quand on est diagnostiqué à l’âge adulte, c’est de revenir sur l’ensemble de sa vie : on ne s’en rend pas compte mais le TDAH prend de la place partout, dans nos relations sociales, professionnelles, le rapport à soi, la nourriture… Dès lors qu’on sait qu’il s’agit d’un TDAH, on comprend plein de choses. Et puis, cela aide à moins culpabiliser.

“En reprenant tous mes bulletins de notes, cela se voyait comme le nez au milieu de la figure !”

Que voulez-vous dire ?

Je culpabilisais énormément de ne pas être capable d’envoyer des papiers à l’heure, de ne pas être capable de prendre un billet de train, ou de prendre le train dans le mauvais sens, d’attendre le dernier moment pour tout au travail alors que mon équipe et mes clients, eux, anticipent.  Je pouvais ouvrir un mail le matin et ne jamais y répondre alors que c’était la priorité du jour ! Mes proches ne comprenaient pas… Je mettais mes collaborateurs dans la panade. Et je ressentais en permanence un sentiment de culpabilité. Toutes ces petites choses sont de réelles contraintes pour nous. Et on culpabilise parce qu’on se voit faire, on sait qu’on doit faire une chose qu’on repousse sans cesse. Et ce sont des schémas répétitifs, on n’apprend pas la première fois pour la fois d’après. C’est toujours pareil.

Et durant votre scolarité, aucun signe ne transparaissait ?

En reprenant tous mes bulletins de notes, cela se voit comme le nez au milieu de la figure. Mais c’était il y a des dizaines d’années, on ne parlait pas du TDAH ! Je n’ai pas eu une scolarité difficile mais vraiment très fluctuante. Mes notes pouvaient être excellentes comme tout l’inverse en fonction du prof, de ma place dans la salle de classe, de mon intérêt pour le sujet… J’étais en plus capable de m’hyperfocaliser sur des sujets, de travailler très vite et cela venait masquer le fait que j’oubliais de faire des exercices, j’oubliais de tourner une feuille, les 3 se transformaient en des 2… Tout cela dépendant de mon niveau d’attention et de concentration.

“J’ai absolument tout réinventé”

Et cela a été facile de vous faire diagnostiquer ?

Ah non, tous les psychologues ou psychiatres ne sont pas formés sur le sujet. Loin de là. Souvent, notamment à l’âge adulte, on se voit diagnostiquer d’une dépression ou d’une anxiété… mais pas du TDAH. Dans la communauté TDAH, il y a beaucoup de personnes qui ont reçu un autre diagnostic avant qu’un spécialiste ne mette le doigt sur le TDAH. Car quand on regarde les symptômes, finalement cela peut concerner de nombreuses personnes, c’est vraiment très vaste et peu spécifique. Il faut que le professionnel soit formé pour comprendre tous les signes. Et on a vraiment beaucoup de retard en France. Il faut trouver le bon psychiatre/psychologue formé sur le sujet et capable de faire un diagnostic. La liste des professionnels spécialisés est assez courte.

Comment avez-vous été prise en charge ?

J’ai pris des médicaments (Concerta et Ritaline, indiqués dans le traitement du TDAH, ndlr). Je n’y croyais pas. Je ne voyais pas comment un médicament allait pouvoir régler le problème. Mais je l’ai accepté. Et là, j’ai eu l’impression d’être dans le cerveau de quelqu’un d’autre. J’étais tout à coup capable d’être très fonctionnelle, opérationnelle, de gérer mes priorités, non pas en fonction de ce qui me faisait plaisir mais avec objectivité. Cela m’a donné une forme d’élan. J’ai ensuite participé à des groupes de paroles organisés par mon psychiatre, puis des groupes de parole internationaux. Tout cela a été très salvateur. Toutes ces personnes vivaient la même chose que moi et c’était la première fois que je pouvais échanger en étant comprise ! Chacun avait mis en place des actions compensatoires, on se partageait nos stratégies pour contrer les difficultés du quotidien.

Et comment gérez-vous le quotidien ?

J’ai absolument tout réinventé. Cela a été une forme d’appropriation du trouble qui, pour moi, a pris plusieurs années. Par exemple, sous la douche, je mets les flacons dans le bon ordre d’utilisation (shampoing et après shampoing), je sors mes vêtements la veille au soir pour ne pas m’éparpiller le matin. J’ai organisé structurellement mon appartement pour faire les choses dans l’ordre. J’ai aussi tout classé par couleurs pour que chaque chose retrouve sa place. J’aime les classements par couleur et j’ai compris que mon cerveau fonctionnait beaucoup mieux lorsqu’il y avait une satisfaction immédiate. Remettre un article en place dans un rayon coloré me permet d’être plus opérationnelle. Désencombrer mon environnement au maximum me permet aussi de conserver mon attention. J’ai simplifié tout ce qui est d’ordre organisationnel et fonctionnel dans ma vie.

J’ai aussi sensibilisé mes proches au TDAH. Cela me permet de mieux gérer mon attention et mon impulsivité. Elle est encore là mais la compensation fonctionne. Aujourd’hui, j’ai arrêté tout traitement médicamenteux, j’en garde juste à la maison au cas où.

“J’espère qu’il y aura de plus en plus de psy formé au TDAH dans les années qui viennent.”

Et pour le travail, je crois que c’est la méthode Pomodoro qui fonctionne pour vous.

Oui, c’est vrai. Pomodoro, c’est 25 minutes de travail, 5 minutes de pause, et au bout de quatre sessions, 30 minutes de pause. Personnellement j’ai un problème avec la gestion du temps, me dire que je travaille 25 minutes est un levier motivationnel parce que ce n’est pas très long. Pomodoro nous permet de nous réguler. On rentre dans des cycles de travail, qui nous aident à découper le temps. Pour mon livre, j’ai cherché des techniques applicables au plus grand nombre, ce sont des astuces très opérationnelles. Et Pomodoro est une méthode qui fonctionne pour beaucoup d’entre nous.

Conseilleriez-vous aux adultes qui ressentent des difficultés d’aller se faire diagnostiquer ?

Aller voir un psy, si quelque chose bugue, oui, je le conseille. Je conseille d’aller chercher de l’aide auprès d’un professionnel formé sur le sujet. Certaines personnes se reconnaissent dans les symptômes mais n’ont pas besoin d’une aide extérieure, ce qui est selon moi tout à fait normal s’il n’y a pas de souffrance. On peut aussi juste avoir besoin de savoir et comprendre pour mettre en place des stratégies opérationnelles au quotidien. Mais je rappelle que consulter, ce n’est pas à la portée de tout le monde aujourd’hui : le diagnostic coûte cher et le suivi aussi. Je suis en effet suivie en libérale car c’était trop long dans le public. J’espère qu’il y aura de plus en plus de psy formés au TDAH dans les années qui viennent. Pour l’heure, l’offre de soins est insuffisante et de nombreux adultes ne sont pas diagnostiqués.

Je voudrais aussi dire aux personnes concernées ou qui craignent de l’être que le TDAH peut poser des problèmes dans le quotidien, mais qu’on est aussi très entrepreneurs, très créatifs… Le TDAH est connoté en France, parfois caricaturé, mais ce n’est pas que du négatif, loin de là. Je le prends comme une simple caractéristique me concernant, comme le fait d’être brune. Et nombre d’entre nous réussissent à très bien le compenser.

A noter : selon le site TDAH à l’âge adulte, 2 millions d’adultes seraient TDAH en France et sur ces deux millions, seulement 20 000 seraient diagnostiqués, soit 2 % des personnes concernées.

TDAH, et alors ?, Catherine Testa, éd. Michel Lafon, 2024, 18,95 euros

  • Source : Interview de Catherine Testa

  • Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet

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