Thigh gap : le diktat de la minceur, encore et toujours

18 octobre 2013

« Dans certains cas, l’origine de l’anorexie part d’un simple régime pour perdre quelques kilos », explique le Dr Vincent Dodin. ©Phovoir

Pour certaines femmes et adolescentes, la spirale de la minceur peut devenir infernale. Au point de mesurer chaque jour…l’écart de l’entre-jambe ! Cette pratique est appelée le thigh gap (écart entre les cuisses, en anglais). Selon le Dr Vincent Dodin, psychiatre spécialiste des dépendances, le thigh gap figure depuis plusieurs années parmi les caractéristiques des troubles du comportement alimentaire (TCA).

« Toutes les patientes sujettes à l’anorexie sont préoccupées par une perte de poids rapide et visible», explique le Dr Vincent Dodin, psychiatre et professeur à la Faculté Libre de Médecine de Lille. « Ce phénomène n’était pas nommé, mais le thigh-gap existe depuis longtemps ».

Vouloir augmenter l’écart entre les deux jambes – l’espace de ce « triangle » formé par la partie basse du bassin et l’intérieur des cuisses – « peut constituer l’un des signes caractéristiques de cette entrée progressive dans la dépendance à la privation alimentaire », souligne le psychiatre.

Une forte dimension addictive

L’anorexie commence par des régimes drastiques suivis de jeûnes prolongés, qui deviennent de plus en plus réguliers. « Toujours plus mince, toujours plus forte : au départ, les patientes ont le sentiment de plein pouvoir, d’être en pleine possession de leurs capacités physiques et intellectuelles », souligne le Dr Vincent Dodin. Or, c’est un leurre. Pouvoir évaluer la perte de poids – à l’aide du pèse-personne bien sûr ou en mesurant l’écart entre les cuisses – vient conforter cette quête. « A partir du moment où elles franchissent le stade de l’addiction, les jeunes filles anorexiques doivent s’assurer qu’elles tiennent le cap, jusqu’à ce que le corps, épuisé par les carences alimentaires, dise stop », poursuit le psychiatre.

Comment repérer ce trouble ?

Un isolement précoce, un manque de confiance en soi ainsi qu’une recherche permanente de la perfection constituent les principaux signes du trouble de l’alimentation chez l’adolescent et l’adulte. « D’autres comportements sont aussi révélateurs : le tri alimentaire obsessionnel, le passage d’un caractère rigide à l’euphorie, l’impression de ne jamais être à la hauteur ».

« Mais pour un parent, un professeur, un proche », conclut, le le Dr Vincent Dodin, « il est parfois plus simple de se convaincre que tout va bien »,». Prendre conscience et mettre des mots sur le mal-être constituent pourtant les deux étapes indispensables à un début de prise en charge.

A lire : Comprendre l’anorexie – Vincent Dodin et Marie-Lyse Testart. Editions Le Seuil, 2004 – 304 pages.
Si vous – ou votre enfant – êtes concernée par l’un de ses troubles, le site psycom.org constitue une première étape pour en parler à ses proches, à son médecin traitant, au psychologue ou au psychiatre. Il se définit comme un « organisme public d’information, de communication et de formation sur la santé mentale ».

Ecrit par : Laura Bourgault – Edité par David Picot

  • Source : Interview du 16 octobre 2013 - Dr Vincent Dodin, psychiatre spécialiste des dépendances au groupe hospitalier de l’Institut Catholique de Lille – 03 20 87 74 36

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