Isolation thermique : toutes les nanofibres aussi délétères que l’amiante ?

04 janvier 2024

Selon une récente étude franco-chinoise, l’exposition aux nanomatériaux fibreux, dont font partie l’amiante et la laine de verre, pourrait causer des dommages pulmonaires, tels que les fibromes, en raison non pas de leur composition chimique mais de leur taille. Explications.

Résistant au feu, peu coûteux, élastique… l’amiante est un matériau qui a largement été utilisé dans la fabrication de câbles électriques, l’isolation thermique… mélangé aux résines ou encore aux ciments. Jusqu’à son interdiction en France en 1997. En cause, ses microparticules qui pénètrent profondément dans l’appareil respiratoire et que l’organisme ne parvient pas toujours à éliminer. Toutefois, le lien concret de cause à effet reste encore obscur.

Une équipe de chercheurs franco-chinois, dont un chimiste du CNRS Christian Amatore, s’est intéressée aux conséquences sur la santé des nanomatériaux inertes et spécifiquement des nanofibres de verre, utilisés dans l’isolation thermique. Quelle est la raison de leur toxicité ? Selon les résultats des travaux publiés le 3 janvier dans la revue Nature Nanotechnology, c’est du côté des dimensions des particules qu’il faut chercher les causes. Mais pas du côté de leur composition chimique. En effet, les macrophages, ces grosses cellules du système immunitaire capables de détruire les cellules étrangères ou les micro-organismes, ne parviennent pas à s’allonger suffisamment pour assimiler des corps étrangers de trop grande dimension (plus de 15 microns).

“Des lésions pulmonaires à répétition”

L’expérience a d’abord été menée in vitro puis vérifiée in vivo chez les rats. Ainsi, contrairement aux petits agents pathogènes facilement engloutis et décomposés, les nanomatériaux fibreux sont trop longs pour être soumis à la phagocytose. « Cela conduit à une situation déjà connue sous le nom de ‘phagocytose frustrée’, qui peut durer longtemps en fonction de la longueur et de la nature chimique de la fibre », notent les chercheurs.

Résultats ? Cette phagocytose frustrée a engendré « des fuites de sécrétions très nocives pour la paroi alvéolaire, que cette étude a permis de détecter, caractériser et quantifier pour la première fois », via des nanocapteurs électrochimiques, explique le CNRS dans un communiqué du 4 janvier. « Une expérimentation sur des rats a ensuite permis de conclure qu’une inhalation régulière et sans protection de nanomatériaux fibreux inertes analogues, quels qu’ils soient, génère des lésions pulmonaires à répétition pouvant mener à terme au développement de fibromes », poursuit le communiqué.

« Cette découverte questionne l’usage de feutres de nanofibres inertes dans le secteur du bâtiment, jugées jusqu’alors moins délétères que l’amiante qu’elles substituent mais qui pourraient en réalité présenter les mêmes risques pour la santé de ceux qui les manipulent », conclut le CNRS.

  • Source : CNRS, Amiante : la taille et la géométrie des nanofibres inhalées pourraient être seules responsables du développement de fibromes pulmonaires, 4 janvier 2024 – Nature nanotechnology, Nanosensor detection of reactive oxygen and nitrogen species leakage in frustrated phagocytosis of nanofibres, 3 janvier 2024

  • Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet

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