Covid long : l’immunité innée impliquée ?
11 décembre 2023
Une équipe de l’Institut Pasteur vient de confirmer chez des primates, que le virus SARS-CoV-2 pouvait persister dans l’organisme jusqu’à 18 mois après l’infection. Chez les individus infectés, il a également été montré que le système immunitaire était moins efficace que chez ceux qui ne présentaient plus de traces du virus. Ce mécanisme pourrait-il expliquer le Covid long dont souffre une partie de la population ?
Le virus SARS-CoV-2, après avoir provoqué l’infection Covid-19, devient rapidement indétectable, tout au plus une à deux semaines, dans les voies respiratoires supérieures et dans le sang. Le virus a-t-il été pour autant totalement éliminé de l’organisme ? La réponse est négative. Une équipe de l’Institut Pasteur vient en effet de confirmer, chez les primates, la persistance du virus, via l’analyse de prélèvements biologiques issus d’animaux précédemment infectés. Ces travaux ont été publiés le 2 novembre 2023 dans la revue Nature Immunology.
Pourquoi avoir recherché la persistance du virus ? « Nous avons remarqué que l’inflammation perdurait sur de longues périodes chez les primates qui avaient été infectés par le SARS-CoV-2. Nous avons alors suspecté que cette inflammation pouvait être due à la présence du virus dans l’organisme », résume Michaela Müller-Trutwin, responsable de l’unité “VIH, inflammation et persistance” à l’Institut Pasteur. En effet, l’équipe a pu retrouver le virus 6 à 18 mois après l’infection, alors même que le SARS-CoV-2 était bien indétectable dans le sang et dans les voies respiratoires supérieures. Prélevées et mises en culture, ces cellules virales ont montré qu’elles étaient toujours capables de se répliquer.
La piste des cellules natural killer
On connaît déjà cette capacité qu’ont certains virus à rester indétectables dans l’organisme. C’est le cas du VIH, responsable du sida. Le virus reste caché dans des réservoirs viraux, capables de se réactiver. Pour comprendre le rôle de l’immunité face au SARS-CoV-2, les chercheurs se sont intéressés aux cellules natural killer, également appelées NK. Pour rappel, les cellules NK sont des lymphocytes du système immunitaire inné, capables de tuer des cellules tumorales mais aussi des cellules infectées par un virus.
Selon les résultats de l’étude, chez certains individus, les macrophages – ces cellules de l’immunité capables d’ingérer les corps étrangers – infectés par le virus, devenaient résistants aux cellules NK. Chez d’autres, les cellules NK parvenaient à s’adapter et à détruire le virus. L’Institut Pasteur parle alors de cellules NK adaptatives.
Les réservoirs viraux à l’origine du Covid long ?
Les chercheurs ont pu observer que les individus qui présentaient une quantité de virus plus importante montraient une diminution de l’activité des cellules NK et une absence de cellules NK adaptatives. A l’inverse, ceux chez qui le virus était indétectable ou très peu détectable, produisaient des cellules adaptatives. Ce mécanisme est-il à l’origine de la formation des réservoirs viraux et, en conséquence, du Covid long ? « Nous allons entamer une étude sur une cohorte de personnes ayant été infectées par SARS-CoV-2 au début de l’épidémie afin de savoir si les réservoirs viraux et les mécanismes identifiés sont en lien avec les cas de Covid long. Mais ces résultats sont déjà une étape importante dans la compréhension de la nature des réservoirs viraux et des mécanismes qui régulent la persistance virale », conclut Michaela Müller-Trutwin.
Si le Covid long est difficile à chiffrer, Santé publique France estimait, selon les premiers résultats d’une étude publiée en juin 2023, que 4 % de la population générale souffrirait d’une « affection post-Covid-19 », soit 30 % des personnes infectées par le virus (2,06 millions de personnes au total).
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Source : Institut Pasteur, 5 décembre 2023 - SARS-CoV-2 viral persistence in lung alveolar macrophages is controlled by IFN-γ and NK cells, 2 novembre 2023 – Inserm – Santé publique France.
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Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet