Transplantation du foie : une avancée majeure ?

30 juin 2022

Six heures en moyenne entre le prélèvement du foie chez le donneur et sa transplantation chez le receveur. Un délai extrêmement court pour limiter la souffrance de l’organe privé d’oxygène. En Suisse, une équipe a conçu une machine qui permet de porter ce délai à plusieurs jours.

Trois à 4 heures pour un cœur, 6 à 8 heures pour un poumon, pas plus de 36 heures pour un rein… Le court délai entre le prélèvement d’un organe et sa transplantation, afin de le préserver, est une véritable course contre la montre pour les équipes de prélèvement et de greffe. Ces dernières années cependant, ces délais ont pu être allongés. Au CHU de Lille par exemple, un cœur battant perfusé en sang oxygéné avant la transplantation et durant tout le temps de transport a permis de porter ce délai à 6 heures.

Au CHU de Rennes, un foie perfusé dans les conditions de la vie, « à 37 degrés, avec du sang, de l’oxygène et des nutriments », a pu être conservé sans souffrance pendant 17 heures contre 6 heures en moyenne pour un foie conservé sur de la glace, la méthode « traditionnelle ». En Suisse, une équipe de l’hôpital de Zurich a elle porté ce délai… à trois jours. Comment ? En poussant encore plus loin le concept d’imitation du corps humain.

Cœur, poumons, diaphragme…

Les chercheurs de l’équipe Liver4Life (« le foie pour la vie ») ont donc conçu une machine qui reproduit fidèlement les grandes fonctions du corps humain : une pompe pour imiter le cœur, un oxygénateur pour remplacer les poumons, une unité de dialyse pour la fonction rénale… et un mouvement semblable à celui du diaphragme, qui interagit avec le foie lorsque l’on respire. Des perfusions d’hormones et de nutriments sont, elles, venues remplir les fonctions de l’intestin et du pancréas.

En 2020, ces chercheurs ont démontré avec succès qu’il était possible de conserver un foie dans ces conditions pendant plusieurs jours, sans pour autant aller jusqu’à la transplantation. L’année suivante, ils ont proposé cette technique, baptisée « perfusion normothermique ex-situ », à un patient en attente de greffe. Celui-ci a accepté et s’est vu transplanter un foie qui avait initialement été refusé par les autorités sanitaires en raison de sa mauvaise qualité. Grâce à sa machine et à un cocktail de médicaments, l’équipe Liver4Life a pu le rendre apte à la transplantation. L’opération a eu lieu en mai 2021.

Pas de rejet

Un an plus tard, le patient se porte bien, écrivent les chercheurs dans la revue Nature Biotechnology : « le foie transplanté a présenté une fonction normale, avec une lésion de reperfusion minimale et la nécessité d’un régime immunosuppresseur minimal. Le patient a rapidement retrouvé une qualité de vie normale sans aucun signe de dommage hépatique, tel qu’un rejet ou une lésion des voies biliaires ». La procédure doit maintenant être expérimentée sur de nouveaux patients, pour confirmer son efficacité et sa sécurité.

Pour le Pr. Pierre-Alain Clavien, directeur du département de chirurgie viscérale et de transplantation de l’hôpital universitaire de Zurich, cette thérapie est en tout cas porteuse d’espoir car elle permettrait de « pallier le manque d’organes humains fonctionnels et de sauver des vies ». Autre intérêt et pas des moindres : elle pourrait également faire entrer la transplantation hépatique, procédure urgente et exigeante, dans le champ des opérations programmables.

  • Source : Nature Biotechnology, CHU de Rennes, Agence de biomédecine – 1er juin 2022

  • Ecrit par : Charlotte David - Edité par : Emmanuel Ducreuzet

Aller à la barre d’outils