Traumatisme crânien : des séquelles irréversibles ?

03 janvier 2014

trauma cranienQuatre jours après sa grave chute de ski dimanche 29 décembre en Savoie, Michael Schumacher est toujours plongé dans un coma artificiel.  Diagnostic : traumatisme crânien sévère. Mais de quoi s’agit-il vraiment ? Les explications du Dr Richard Dumont, anesthésiste-réanimateur au CHU de Montpellier.

Le coma artificiel dans lequel est maintenu Michael Schumacher vise à maintenir le cerveau à l’état de veille afin de limiter sa consommation en oxygène. Atteint d’hypertension intracrânienne, d’hématomes intracrâniens, de contusions cérébrales et d’un œdème cérébral, « son pronostic vital est toujours engagé », a confirmé l’équipe médicale du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Grenoble-La Tronche, ce mercredi 1er janvier. D’autant plus qu’il est impossible – à ce stade – de prévoir l’évolution des lésions intracrâniennes dont est victime l’ex-champion allemand.

Ralentir le débit sanguin

« Sous un choc si violent, la destruction du tissu cérébral provoque un saignement anormal », précise le Dr Richard Dumont. Se forme alors un œdème diffus qui comprime le tissu cérébral. Car contrairement à la boîte crânienne dont le volume n’est pas extensible l’encéphale – siège des fonctions vitales et qui comprend le cerveau, le cervelet et le tronc cérébral – est composé de tissus mous. Conséquence, « sous la pression de l’œdème, l’encéphale n’a plus suffisamment de place. La pression à l’intérieur du crâne augmente ». Pour diminuer cette hypertension intracrânienne, les neurochirurgiens évacuent l’hémorragie en pratiquant une trépanation – soit l’ouverture partielle de la calotte osseuse. En donnant plus de place à l’œdème, l’incision osseuse permet d’atténuer la compression du cerveau. L’objectif : limiter l’aggravation des lésions cérébrales. « L’urgence était de diminuer cette pression intracrânienne qui, lorsqu’elle dépasse la tension artérielle entraîne la mort cérébrale », complète le Dr Richard Dumont.

Maintenir le cerveau au repos 

Suite à cette intervention, le patient est plongé dans un coma artificiel pour diminuer la consommation d’oxygène par le cerveau. Objectif : réduire l’impact des lésions intracrâniennes diffuses. La température centrale de l’organisme est alors abaissée jusqu’à 35°C ou 34°C.

  • Cet état « d’hibernation cérébrale » est maintenu 72 heures au minimum. « Selon les patients et la gravité du choc, cette phase dite de coma artificiel peut durer de quelques jours à plusieurs semaines », confirme le Dr Richard Dumont ;
  • « La phase aigüe, la plus critique, dure entre une semaine et dix jours ». Au-delà, la fragilité du patient augmente, notamment à cause des troubles de la coagulation liés à l’hypothermie. « En fonction de l’évolution observée grâce aux scanners réalisés tous les 5 jours en moyenne », les médecins décideront ou non de faire sortir le patient du coma ;
  • Dès lors que la phase de réveil est envisageable, l’équipe médicale procède à l’arrêt des médicaments anesthésiants qui permettaient l’endormissement du patient. « Un délai minimum de 24 à 48 heures est ensuite donné pour voir si le patient parvient à sortir seul du coma. Et juger de son état neurologique ».

Etat stable… jusqu’à quand ? « Poser un diagnostic pendant la phase de coma artificiel constituerait une erreur médicale car on ne peut absolument pas prévoir l’évolution des symptômes », précise le Dr Dumont. Les phases de récupération lors du coma sont très aléatoires. Il arrive parfois qu’un patient endormi présente un ‘cerveau gris’, « comme si les structures cérébrales avaient disparu. Puis retrouve progressivement une partie de ses facultés cognitives et motrices lorsqu’il sort du coma ».

Autre point, les lésions cérébrales peuvent être létales dans les jours qui suivent l’accident. Même si le patient peut être réveillé, le risque de séquelles irréversibles est extrêmement élevé. En effet, le risque d’altération des fonctions cognitives, la perturbation des réflexes moteurs et des fonctions neurologiques sont extrêmement fréquents chez un patient après une phase de coma. « Autant de symptômes qui engendrent une perte d’autonomie dont il est très difficile de se remettre », précise le Dr Dumont.

  • Source : Interview du Dr Richard Dumont, anesthésiste-réanimateur et chef des services des urgences au CHU de Montpellier – le 31 décembre 2013. © photo: IRM Multiva 1.5T/Philips

  • Ecrit par : Laura Bourgault – Edité par : Emmanuel Ducreuzet

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