Trois ADN pour un bébé : les Britanniques jouent-ils aux apprentis sorciers ?

05 février 2015

Les députés britanniques ont autorisé ce 3 février la mise en œuvre d’une technique d’aide médicale à la procréation (AMP) baptisée « A trois ADN ». Il s’agit d’insérer le noyau de l’ovocyte de la future mère, porteuse d’une maladie génétique, dans l’ovocyte (énucléé) d’une donneuse saine. « Une expérimentation sans aucun recul », selon le Dr Miguel Jean, chef du service de la consultation d’éthique clinique au CHU de Nantes et directeur de l’espace de réflexion éthique des Pays de la Loire.

Lorsqu’un couple est porteur d’une mutation de l’ADN mitochondrial, il risque de transmettre une maladie génétique grave à son enfant. Pour éviter aux porteurs de ces pathologies de les transmettre à leurs descendants, la Grande-Bretagne vient d’autoriser la procréation à trois ADN. Celui du père, de la mère et… d’une donneuse.

Celle-ci ne donne pas son gamète entier, mais seulement l’ovocyte dépourvu de son noyau. En effet, ce dernier ne contient pas les mutations responsables des maladies génétiques. L’embryon qui se développerait suite à la mise en œuvre de cette technique serait donc porteur de trois matériels génétiques : celui du père, de la mère et un peu de celui de la donneuse.

Le DPI, une méthode validée

Le Dr Miguel Jean du CHU de Nantes se dit « perplexe, pour ne pas dire stupéfait de voir cette technique mise en avant ». En effet, « elle est totalement expérimentale et nous n’avons aucun recul. » Ainsi, « nous n’avons aucune idée de l’interaction entre l’ADN nucléaire (du noyau) et l’ADN mitochondrial. Car même si ce dernier est supposé sain on ne sait pas comment cette association va réagir. Il n’y a aucun recul sur l’évolution des enfants qui naitraient grâce à cette méthode. » D’autres maladies pourraient-elles résulter de cette interaction ? « Nous n’en savons rien », poursuit-il.

Mais comment valider une nouvelle technique si ce n’est en la mettant en œuvre ? Or dans ce cas précis, il s’agirait de « faire naître des enfants et les regarder grandir pour s’assurer qu’il n’y a pas de problème », souligne, stupéfait, le Dr Jean. Lequel poursuit : « Je m’interroge d’ailleurs sur la pertinence de développer une technique expérimentale dès lors qu’il existe déjà une méthode pour diagnostiquer l’embryon avant son implantation. » Il évoque par là le diagnostic préimplantatoire (DPI). Cette méthode permet de sélectionner les embryons sains du couple, cultivés in vitro, avant réimplantation.

Les mutations de l’ADN mitochondrial sont responsables de plus de 700 maladies métaboliques non curables à ce jour et pour certaines potentiellement mortelles dans l’enfance.

  • Source : interview du Dr Miguel Jean, chef du service de la consultation d’éthique clinique au CHU de Nantes et directeur de l’espace de réflexion éthique des Pays de la Loire, 4 février 2015

  • Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Vincent Roche

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