Tuberculose : résister contre la multi-résistance
24 mars 2015
Bacilles de la tuberculose en microscopie électronique à balayage. ©Jean-Pierre Tissier (INRA, Villeneuve d’Ascq) et Franco Menozzi (Institut Pasteur de Lille)
La résistance de certaines formes de tuberculose aux antibiotiques est de plus en plus inquiétante. La journée mondiale de lutte contre la maladie ce 24 mars est l’occasion d’évoquer la situation en France et dans le monde. La dernière publication du BEH fait le point sur les cas nationaux. Tandis que l’OMS et plusieurs ONG continuent de se mobiliser dans les pays principalement concernés, en Europe de l’Est et en Asie.
« La proportion de résistances aux antituberculeux reste généralement faible en France », indiquent les rédacteurs du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH). Et la multi-résistance, définie par une souche résistante aux deux principaux traitements de première ligne de la maladie, bien que rare elle aussi, « a doublé ces dernières années. » Elle est « principalement due à l’arrivée de malades originaires d’Europe de l’Est », précisent-ils.
Et pour cause. Une étude, menée par le CNRS et publiée en janvier 2015, démontrait que deux souches particulièrement associées à la multi-résistance avaient démarré leur expansion lors de l’effondrement du système de santé publique en ex-URSS. « Ces résultats soulignent l’importance de maintenir le système de lutte contre la maladie au plus haut niveau d’efficacité et de développer de nouveaux moyens diagnostiques et de traitement plus efficaces », soulignaient les auteurs de ce travail.
Rendre accessibles les traitements disponibles
C’est ce que souhaitent vivement les membres du projet EndTB, soutenus par UNITAID. Composé de l’Institut de Recherche et Développement (IRD), de Partners in Healh et de Médecins sans frontières, ce projet a pour ambition de « transformer radicalement la prise en charge des formes multi-résistantes de la tuberculose d’ici 2019 ». Concrètement, rendre accessibles à tous les patients qui en ont besoin les deux médicaments les plus récents et les plus efficaces contre les formes multi-résistantes de la tuberculose. Il s’agit de la bédaquiline et du délamanide. Au total, 2 600 patients dans 16 pays devraient en bénéficier grâce au programme. En parallèle, un essai clinique sera mené sur plus de 600 malades, « afin de tester de nouvelles combinaisons thérapeutiques », pour un traitement plus court et mieux toléré.
Actuellement, « moins de 1 000 personnes ont eu accès à la bédaquiline et à peine une dizaine au délamanide », soulignent les ONG. Alors que les malades sont des centaines de milliers pour lesquels un usage adapté de ces molécules représente un espoir sans précédent. Et en terme de santé publique, un outil de poids pour limiter la propagation de ces bacilles de plus en plus résistants.
Des chiffres inquiétants
« Nous voulons favoriser l’introduction d’innovations dans la lutte contre la tuberculose », insiste Lelio Marmora, directeur général d’UNITAID. « Dans un contexte où le nombre de cas détectés a augmenté de 300% depuis 2009 ».
En France, le nombre de nouveaux cas de tuberculose étaient de 4 934 en 2013. Les taux de déclaration de la maladie restant plus élevés en Île-de-France, en Guyane, à Mayotte et chez les personnes sans domicile fixe et celles nées à l’étranger. « La proportion de résistance à au moins un antituberculeux de première ligne parmi les nouveaux cas en 2013 était de 10,3% en France », précisent les rédacteurs du BEH. La proportion de multi-résistance, de 1,7%.
Dans le monde, le nombre de nouveaux cas de tuberculose était de 9 millions pour l’année 2013 selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Le nombre de cas de tuberculose multi-résistante est estimé à près de 500 000 cas par an dans le monde. Parmi eux, 10% sont des ultra-résistances. Ce qui correspond à une résistance aux deux antibiotiques de première ligne, ainsi qu’à une supplémentaire aux fluoroquinolones et à au moins un antituberculeux injectable de deuxième ligne…
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Source : BEH, 24 mars 2015– OMS, consulté le 23 mars 2015 - Médecins sans frontières, 20 mars 2015- CNRS, Institut Pasteur de Lille, Ecole pratique des Hautes Etudes, INSERM, Université de Lille et Muséum nationale d’Histoire naturelle, janvier 2015
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Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Vincent Roche