Un tiers de l’eau potable contaminée par un pesticide… interdit depuis 2019 !
06 avril 2023
Le chlorothalonil, classé cancérogène, est un fongicide utilisé en France dès 1969 et interdit depuis 2019. Selon un rapport de l’Anses publié ce jeudi 6 avril, ce pesticide a été détecté dans plus de la moitié de l’eau distribuée pour la consommation humaine. Dans 34 % des cas, le seuil réglementaire était dépassé.
Le chlorothalonil, un pesticide interdit dans l’Union européenne depuis 2019, a contaminé les eaux potables de la métropole. Selon un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) publié jeudi 6 avril, sur les quelque 136 000 prélèvements, réalisés dans près de 300 sites équitablement répartis sur le territoire, des métabolites, des micromolécules, de chlorothalonil R471811 ont été retrouvés dans plus d’un prélèvement sur deux. Sa concentration dépassait le seuil réglementaire dans 34 % des échantillons. Le rapport note toutefois qu’aucun dépassement de la valeur sanitaire maximale n’a été observé dans les relevés.
C’est la Suisse, qui, en 2019, avait donné l’alerte, s’étant rendue compte que des métabolites de chlorothalonil R471811 étaient fréquemment présents dans les eaux de consommation. Les résidus du fongicide avaient alors été intégrés à la campagne de recherche de polluants émergeants dans l’eau potable menée régulièrement par le laboratoire d’hydrologie de l’Anses à Nancy. Leur présence, ainsi que celles de 156 autres résidus de pesticide et 57 molécules d’explosifs, étaient ainsi recherchées et mesurées. Comme les autres métabolites « pertinents pour les EDCH (eaux destinées à la consommation humaine) », le seuil réglementaire de métabolites de chlorothalonil R471811 ne doit pas être supérieur à 0,1 µg/L.
Epandu dans les sols durant près de 50 ans
Utilisé en France depuis 1969 pour lutter contre la propagation des champignons dans de nombreuses cultures comme la pomme de terre, la vigne, le blé, l’avoine, l’oignon… le chlorothalonil a été interdit par l’Union européenne en 2019. « Il est impossible à ce jour d’établir que la présence de métabolites du chlorothalonil dans les eaux souterraines n’aura pas d’effets nocifs sur la santé humaine », lit-on au journal officiel le 29 avril 2019.
Le chlorothalonil SA, dont sont issus les métabolites de chlorothalonil R471811 détectés dans l’eau potable, est aujourd’hui classé comme cancérogène de catégorie 2, « suspecté d’être cancérogène pour l’homme » mais l’Autorité européenne de sécurité des aliments a proposé que le pesticide passe en catégorie 1b, « dont le potentiel cancérogène pour l’être humain est supposé ».
Des pesticides présents des années dans l’environnement
Dans un avis du 26 janvier 2022, l’Anses rappelait que le chlorothalonil SA pouvait être responsable de tumeurs rénales chez le rat et la souris : « Le mode d’action menant à ces tumeurs rénales ne peut pas être exclu pour l’Homme étant donné que les différences quantitatives de fonctionnement métabolique entre l’Homme et le rat ou la souris ne sont pas suffisamment documentées ». En outre, l’autorité sanitaire européenne « a mis en évidence l’existence d’un risque élevé pour les amphibiens et les poissons pour toutes les utilisations évaluées ».
La contamination de l’eau potable par les pesticides utilisés en agriculture est la conséquence du ruissellement et de l’infiltration des produits dans les eaux de surface et souterraines. Comme précisé par l’Anses, « certains métabolites de pesticides peuvent rester présents dans l’environnement plusieurs années après l’interdiction de la substance active dont ils sont issus ».
Alors que la présence massive de métabolites de chlorothalonil R471811 est avérée, deux questions se posent. Les distributeurs d’eau ont-ils les moyens de nettoyer l’eau et ces molécules sont-elles aussi dangereuses que la molécule mère de chlorothalonil ? Pour l’heure, rien n’indique qu’elles ne le sont pas.
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Source : ANSES, Journal officiel de l'Union européenne
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Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Vincent Roche