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La désensibilisation (immunothérapie orale ou ITO) vis-à-vis d’un aliment responsable d’une réaction allergique parfois très grave (anaphylaxie) s’impose désormais comme une stratégie thérapeutique de référence dans les allergies alimentaires. Soutenue par deux décennies de données cliniques solides (notamment pour l’arachide, le lait de vache et l’œuf), cette méthode a démontré son efficacité. Elle fait aujourd’hui partie de l’arsenal des allergologues, en milieu hospitalier comme en libéral.
Les dernières recommandations de l’Académie européenne d’allergologie et d’immunologie clinique (EAACI), parues en ce début 2025, considèrent l’ITO comme une option qui doit être envisagée, en complément de l’éviction et du traitement des réactions allergiques aiguës. L’objectif n’est pas forcément que la personne allergique puisse manger de grandes quantités de l’aliment, mais de la libérer d’une vie quotidienne difficile (ainsi que l’entourage), marquée par l’éviction et l’angoisse de la réaction fatale en ingérant par mégarde l’aliment.
L’ITO s’adresse uniquement aux allergies alimentaires dites « IgE médiées », confirmées par des tests (cutanés ou sanguins) et l’histoire clinique. Ce sont les plus fréquentes, en particulier chez l’enfant. Elles déclenchent des réactions immédiates après ingestion de l’aliment (urticaire, œdème, troubles digestifs, voire anaphylaxie). L’ITO peut être proposée même en cas d’allergie sévère, d’asthme ou de plusieurs allergies. Tous les aliments sont concernés, y compris ceux à haut risque d’allergie grave comme le lait, l’œuf ou l’arachide.
Chez l’allergique, les IgE déclenchent les symptômes parfois très graves au contact de l’aliment. Beaucoup de personnes produisent des IgE mais sans pour autant être allergiques, grâce à des défenses naturelles qui freinent l’inflammation. L’induction de tolérance vise à activer ces mécanismes protecteurs chez les allergiques.
L’induction de tolérance repose sur l’ingestion régulière de quantités progressivement augmentées de l’aliment en cause, jusqu’à atteindre une dose stable. Car si l’ITO s’adresse aux adultes, ce sont surtout les enfants qui peuvent en tirer parti. On peut la débuter dès l’âge de 4 ans, voire plus tôt si jugée bénéfique. Pratiquée dès le préscolaire, elle s’avère en effet plus sûre et plus efficace que lorsqu’elle est réalisée chez des enfants plus âgés : avant 4 ans, l’immunité est plus facilement modifiable, avec des niveaux d’IgE généralement plus faibles et une meilleure réponse à l’ITO, par rapport aux adultes et même aux adolescents.
Il n’existe pas de protocole unique pour la dose et la durée idéales de l’ITO, mais tous sont sur le même principe.
Le traitement débute par une première dose sous surveillance en hôpital de jour (ou une séquence rapide d’escalade de doses) ou au cabinet de l’allergologue. Ensuite, les quantités de l’aliment sont augmentées progressivement au fil des mois, selon la tolérance, jusqu’à atteindre une dose stable (300 mg de protéines ou l’équivalent d’une portion habituelle). Cette phase peut se faire à domicile ou à l’hôpital.
Une fois la dose cible atteinte, elle doit être prise régulièrement, à long terme (et souvent à vie), avec parfois un espacement possible entre les prises avec des doses plus importantes. Il faut être vraiment motivé.
Des effets secondaires surviennent souvent, surtout pendant l’augmentation des doses, mais aussi parfois en phase de maintenance. Ils sont le plus souvent digestifs (démangeaisons dans la bouche, douleurs abdominales) ou cutanés (urticaire). Des réactions plus générales (anaphylactiques) peuvent apparaître, en particulier chez les enfants de plus de 5 ans. D’où les stylos d’adrénaline à avoir à portée de main.
– Toujours prendre la dose pendant un repas ou une collation copieuse ;
– Pas d’heure fixe obligatoire, mais une régularité est préférable pour éviter les oublis ;
– Ne jamais interrompre le traitement : en cas de doute (décalage horaire, etc.), réduire la dose de moitié ;
– Éviter toute activité physique intense et les douches très chaudes 1 heure avant et 2 heures après la prise ;
– Éviter l’alcool 6 heures avant et après la dose ;
– Attendre au moins 1 heure avant de se coucher après la prise ;
– Éviter les anti-inflammatoires non stéroïdiens (type ibuprofène…) ; s’il n’y a pas le choix, espacer leur prise de 6 heures et diviser la dose d’ITO par deux ;
– Réduire la dose de moitié en cas de fièvre, poussée allergique liée aux pollens, crise d’asthme, plaie ou aphte dans la bouche ;
– En cas d’oubli d’un jour : reprendre la dose habituelle ;
– En cas d’oubli de deux jours ou plus : reprendre à la moitié de la dose avant de poursuivre normalement.
Source : Suivi de l’atelier M-At3 - Induction de tolérance alimentaire chez l'enfant : entre ville et hôpital, au Congrès francophone d’allergologie (CFA 2025) ; EAACI guidelines on the management of IgE-mediated food allergy. Allergy. 2025 Jan;80(1):14-36 ; Food oral immunotherapy. Allergy Asthma Clin Immunol. 2025 Feb 12;20(Suppl 3):82.
Ecrit par : Hélène Joubert ; Édité par Emmanuel Ducreuzet