VIH et allaitement maternel : la HAS donne son accord sous strictes conditions
29 novembre 2024
Dans ses récentes recommandations de bonne pratique, la Haute autorité de santé estime possible un allaitement au sein lorsque toutes les conditions de sécurité sont réunies. Explications.
C’était une décision très attendue. Dans ses dernières recommandations concernant le VIH et la périnatalité, la Haute autorité de Santé (HAS) donne son accord pour un allaitement au sein par les femmes vivant avec le VIH. « Je suis tellement heureuse, je vais pouvoir allaiter mon quatrième futur bébé, a commenté sur son compte Instagram Andréa Mestre, personnalité engagée dans la lutte contre les stigmatisations liées au VIH. Maintenant, nous avons enfin la possibilité de choisir d’allaiter ou pas ! »
Chaque année, environ 1 500 femmes vivant avec le VIH accouchent en France. Le lait maternel pouvant transmettre le VIH, l’allaitement au sein n’était pas recommandé jusqu’à présent. « L’allaitement artificiel reste toujours en 2017 la seule prévention totalement efficace de la transmission postnatale et ne pose pas de risque pour la santé de l’enfant dans les pays du Nord, contrairement à ce qui est observé dans les pays aux ressources limitées. L’allaitement maternel reste donc contre-indiqué en France », explicitaient les dernières recommandations, publiées en 2018.
Dès 2009, l’OMS recommandait un allaitement exclusif pendant les 12 premiers mois de la vie dans les pays à ressources limitées, pour les mères bénéficiant d’un traitement ARV et d’un accompagnement pour favoriser une bonne observance. Le bénéfice-risque penchant du côté de l’allaitement maternel pour ces pays où l’accès à un lait artificiel sûr n’était pas toujours assuré. Puis, plusieurs pays occidentaux, à haut revenu, ont suivi. Parmi eux la Suisse, l’Allemagne, les Etats-Unis ou encore l’Australie. Et désormais, la France.
Que disent les recommandations ?
« Le risque de transmission par l’allaitement maternel est élevé en l’absence de contrôle virologique chez la mère. En situation de suppression virale prolongée, le risque de transmission par l’allaitement est très faible, permettant d’envisager l’allaitement sans pour autant pouvoir affirmer à ce jour la notion ‘indétectable = intransmissible’ dans ce cadre ». Le risque serait de 0,2 % par mois d’allaitement (0,16 % par mois d’allaitement si le traitement était initié avant la grossesse).
Ainsi, si le traitement antirétroviral pris par la mère rend la charge virale indétectable, un allaitement est envisageable, sous certaines conditions :
- le traitement doit avoir débuté avant la conception ou au 1er trimestre de grossesse ;
- la mère doit présenter un historique de suivi régulier (observance du traitement et présence aux visites) ;
- la charge virale doit être indétectable (par les tests couramment utilisés), c’est-à-dire qu’elle doit être inférieure à 50 copies de virus par millilitre de sang avec au moins 6 mois de contrôle ;
- la mère s’engage à un suivi renforcé pendant toute la durée de l’allaitement ;
- l’équipe médicale doit avoir la capacité de réaliser ce suivi renforcé de la mère et l’enfant.
« Si l’un des critères n’est pas rempli, l’allaitement au sein est formellement déconseillé », écrit la HAS.
L’autorité sanitaire recommande en outre de limiter la durée de l’allaitement à 6 mois – le risque de transmission augmentant avec le nombre de mois d’allaitement – et conseille un allaitement exclusif au sein si cette méthode est choisie. Les muqueuses digestives d’un nouveau-né sont en effet fragiles et l’introduction d’autres liquides ou aliments peut augmenter le risque d’une transmission du VIH. La HAS insiste également sur le fait que l’allaitement doit résulter d’une décision partagée avec l’équipe médicale et doit être abordé « systématiquement et précocement » durant le suivi de grossesse.
Un accompagnement solide attendu par les familles
Pour Eva Sommerlatte, directrice de l’association Comité des Familles et membre du groupe grossesse et VIH de la HAS, cette décision va dans le bon sens. « Cela ouvre la possibilité d’être accompagnée lorsqu’une femme vivant avec le VIH souhaite allaiter. C’est évidemment beaucoup plus rassurant de bénéficier d’un accompagnement solide pour éviter la transmission, mais aussi pour le soutien moral, psychologique et pour que l’allaitement se passe bien, avance la militante. On sait qu’avant cela, des mamans allaitaient dans le secret sans aucun accompagnement médical ».
Eva Sommerlatte décrit toutefois des recommandations « exigeantes » et un point précis, notamment : « il est proposé de poursuivre la prophylaxie du nourrisson pendant toute la durée de l’allaitement et jusqu’à 15 jours après son arrêt définitif », écrit la HAS. Cette décision repose sur deux éléments : le manque de certitude sur “indétectable = intransmissible” dans le contexte de l’allaitement, et le souci d’offrir une plus grande sécurité en cas de complications de l’allaitement (mastite…) et d’échec virologique. La HAS précise que la prophylaxie néonatale prolongée doit toutefois être discutée en RCP (réunion de concertation pluridisciplinaire) et faire l’objet d’une décision partagée avec la mère, et si possible avec le père/co-parent, « en fonction de l’histoire médicale et personnelle ».
« La France fait figure d’exception en proposant la prophylaxie au bébé. L’observance du traitement par la maman et une charge virale indétectable sont primordiales. Et, selon les données dont nous disposons, il n’y a jamais eu de transmission de la mère à l’enfant dans ce scénario optimal », souligne la directrice du Comité des Familles. « Nous espérons qu’à l’avenir, nous pourrons aussi avoir le choix de donner ou non la PrEP au bébé », ajoute Andréa Mestre.
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Source : HAS, compte Instagram d’Andréa Mestre, Interview d’Eva Sommerlatte
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Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet