VIH : pourquoi est-ce si difficile de trouver un vaccin ?
01 décembre 2023
On le connaît depuis 40 ans, pourtant les chercheurs ne parviennent toujours pas à trouver un vaccin contre le VIH, le virus du Sida. Quelles sont les caractéristiques principales qui rendent ce virus si difficile à contrer ?
En 1983, une équipe de chercheurs de l’Institut Pasteur dont fait alors partie Françoise Barré-Sinoussi parvient à isoler pour la première fois le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) responsable du Sida. Depuis, le virus a contaminé près de 84 millions de personnes et fait près de 40 millions de morts.
Le VIH est toujours actif dans le monde avec 1,3 million de nouvelles contaminations et 630 000 décès en 2022. Malgré les traitements antirétroviraux, qui permettent de réduire la charge virale à un niveau indétectable, la quête d’un vaccin reste essentielle. Pour mettre à l’abri les populations à risque et en finir avec des traitements à vie. Pourtant, 40 ans après la découverte du VIH, aucun vaccin n’a pu être mis au point.
Un virus pas comme les autres
Qu’est-ce qui rend le virus du sida si difficile à contrer ? En quoi est-il si particulier alors que quelques mois ont suffi à mettre au point des vaccins contre le SARS-Cov-2 ?
Plusieurs caractéristiques rendent le VIH difficile à contrer. En premier lieu, il s’agit d’un rétrovirus, un virus capable de produire de l’ADN avec une enzyme appelée transcriptase inverse. « Concrètement, le VIH possède un matériel génétique à ARN mais quand il rentre dans une cellule, il se transforme en ADN et peut rentrer dans le génome de la cellule. Il se comporte alors comme un gène cellulaire, c’est l’origine du réservoir viral, qui s’établit très rapidement, quelques jours après l’infection », détaille Olivier Schwartz, responsable de l’unité Virus et immunité de l’institut Pasteur.
Le virus est donc intégré dans l’ADN des cellules infectées, ce sont des réservoirs viraux qui persistent à vie. Le virus s’y cache et reste inaccessible aux traitements ARV. « Si les patients arrêtent leur traitement, en quelques jours ou quelques semaines, le virus ressort de ce réservoir et se multiplie », précise Olivier Schwartz. Il ajoute : « pour qu’un vaccin contre le VIH soit efficace, il faut l’empêcher d’établir ce réservoir. Il devra donc agir très rapidement. Alors que les vaccins contre Sars-cov-2 n’empêchent pas l’infection mais empêchent les formes graves de l’infection ».
Une grande capacité à muter
En outre, le VIH a une grande capacité à muter, ce qui le rend difficile à cibler par un vaccin. « Il y a beaucoup plus de variants que pour le Sars-Cov-2. En l’absence de traitement antirétroviral, chaque personne infectée verra des mutations apparaitre et des sous-variants créés continuellement. Il est donc très difficile d’avoir des anticorps à large spectre qui agissent contre tous ces variants ! »
Et le VIH a beau muté, les variants conservent toutes leurs capacités à se répliquer efficacement. Plusieurs sous-variants du virus co-existent au sein d’un même individu. « Il existe toutefois des régions constantes dans ce virus. Toutes ne peuvent pas être neutralisées mais on sait que l’enveloppe du virus, qui est une région constante, peut l’être. C’est notamment ce que les chercheurs visent actuellement », note l’expert. Le vaccin doit donc permettre de produire des anticorps à large spectre neutralisant cette enveloppe.
Les cellules de l’immunité visées
Autre caractéristique, ce sont les cellules immunitaires qui sont colonisées par le VIH et notamment les lymphocytes T à mémoire qui lancent la réponse immunitaire lorsqu’un antigène a déjà été rencontré par l’organisme. « Le virus établit ses réservoirs dans les cellules responsables de notre immunité à long terme, les lymphocytes T CD4. Quand on a été vacciné contre la rougeole ou la variole, on possède une immunité à vie grâce à ces lymphocytes mémoire qui s’activent en rencontrant l’un de ces virus. Avec le VIH ce sont ces lymphocytes qui contiennent les réservoirs de virus », précise encore Olivier Schwartz. Ce composant majeur du système immunitaire étant la cible du virus, la mise au point du vaccin est alors très difficile.
Quelle est la meilleure piste pour contrer le virus avec un vaccin malgré toutes ces contraintes ? Les anticorps neutralisants à large spectre semblent actuellement la piste la plus prometteuse. « Un bon vaccin devra être capable de fabriquer de fortes concentrations d’anticorps au niveau des zones d’entrée du virus, les muqueuses notamment, ce qui est encore un autre degré de difficultés. Lymphocyte natural killer, lymphocyte cytotoxique… il faudra mobiliser toutes les formes de l’immunité pour empêcher la formation des réservoirs », conclut Olivier Schwartz.
A noter : actuellement, 39 millions de personnes vivent avec le VIH, dont 1,5 million d’enfants âgés de 0 à 14 ans. Pourtant, fin décembre 2022, seules 29,8 millions de personnes avaient accès à un traitement antirétroviral.
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Source : Interview d’Olivier Schwartz, responsable de l’unité Virus et immunité de l’institut Pasteur – Institut Pasteur, 40 ans de découverte du VIH : le virus du sida est identifié le 20 mai 1983 – Sidaction, Vaccin et VIH – Onusida, dernières statistiques sur l’état de l’épidémie de sida.
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Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par : Emmanuel Ducreuzet