Accouchements : moins d’épisiotomies mais pas plus de déchirures graves
23 janvier 2025
Une étude française montre que la réduction drastique des épisiotomies lors des accouchements par voie basse en France n’a pas entraîné, contrairement à ce qui était redouté, une augmentation des lésions du sphincter anal. Explications.
L’épisiotomie est une intervention chirurgicale pendant l’accouchement, utilisée pour faciliter la naissance et, on le croyait encore il y a peu, prévenir les lésions du sphincter anal obstétrical. Ces lésions, rares, représentent une complication grave de l’accouchement par voie basse.
Pratiquée lors de la phase d’expulsion fœtale, son objectif principal est de sectionner le muscle élévateur de l’anus afin de prévenir des déchirures plus graves du périnée. Après l’accouchement, la plaie est suturée. Depuis plus de 15 ans, les recommandations internationales préconisent une utilisation très restrictive de l’épisiotomie. C’est le cas de la France où ce type de politique a été mise en place depuis plus de 20 ans. L’épisiotomie peut en effet entraîner des complications maternelles sévères, telles que des hémorragies post-partum, une rétention urinaire, des infections, des dyspareunies (douleur ressentie pendant ou après un rapport sexuel), de l’anxiété et un syndrome de stress post-traumatique.
Une remise en cause bienvenue de l’épisiotomie systématique
En 2018, la Haute Autorité de Santé a mis un frein à la pratique systématique de l’épisiotomie, y compris chez les primipares (les femmes qui ont leur premier accouchement), en recommandant son usage restrictif. Ces recommandations étaient en accord avec celles formulées par le Collège national des gynécologues obstétriciens français (CNGOF) plusieurs années auparavant. Alors que cette pratique contestée a nettement reculé, des chercheurs français et suisses ont voulu vérifier si l’arrêt de sa pratique n’avait pas entraîné une augmentation des lésions du sphincter anal chez les femmes qui accouchent.
Qu’ont découvert les chercheurs ?
Ils ont analysé les dossiers médicaux de 29 750 femmes ayant accouché par voie basse, en utilisant les données des Enquêtes Nationales Périnatales françaises de 2010, 2016 et 2021. Ils ont examiné la prévalence de l’épisiotomie et des lésions du sphincter anal obstétrical, en fonction des différents contextes obstétricaux (chez les nullipares avec un seul fœtus, un accouchement par forceps, ou chez les femmes ayant déjà eu des accouchement par voie basse, etc.). Ils ont aussi tenu compte des changements dans les caractéristiques maternelles et les pratiques obstétricales. En 2010, 25,8 % des accouchements par voie vaginale donnaient lieu à une épisiotomie. Ce taux a considérablement baissé, passant à 20,1 % en 2016, puis à 8,3 % en 2021.
Pas plus de lésions du sphincter anal
Les résultats montrent une réduction de la prévalence globale de l’épisiotomie (moins de 10 % globalement), sans pour autant qu’il y ait eu d’augmentation correspondante des lésions du sphincter anal. Cependant, dans un groupe, celui des femmes nullipares (n’ayant encore jamais accouché) accouchant par spatules d’un enfant unique à terme en présentation céphalique (la tête d’abord), le taux de lésions a été multiplié par 2 ou 3. Précisément, la prévalence des lésions obstétricales du sphincter anal a augmenté dans ce seul groupe, passant de 2,6 % en 2010 à 9,6 % en 2021, tandis que le taux d’épisiotomie a chuté de 78,8 % à 31,7 %.
Quelle conduite à tenir en cas d’accouchement instrumental chez les nullipares ?
La mise en œuvre d’une politique restrictive en matière d’épisiotomie s’est donc révélée efficace : le nombre d’épisiotomies inutiles a chuté, ce qui répondait aux attentes des femmes. Ce qui est positif, contrairement à un argument porté par le passé par de nombreux voix, est que cette réduction ne s’est pas systématiquement associée à une augmentation des lésions du sphincter anal obstétrical.
Toutefois, les résultats « suggèrent qu’il est nécessaire de revoir les indications de la politique restrictive pour les accouchements instrumentaux chez les nullipares », concluent les auteurs. Qui précisent : « les conclusions doivent être interprétées avec prudence en raison du faible nombre de cas de lésions dans certains sous-groupes. Des études futures, avec un niveau de preuve élevé, sont nécessaires pour déterminer le taux optimal d’épisiotomie chez les nullipares ayant besoin d’un accouchement instrumental. »
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Source : Houlbracq R, Le Ray C, Blondel B, et al. (2025) Episiotomies and obstetric anal sphincter injuries following a restrictive episiotomy policy in France: An analysis of the 2010, 2016, and 2021 National Perinatal Surveys. PLoS Med 22(1): e1004501.
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Ecrit par : Hélène Joubert - Edité par Emmanuel Ducreuzet